TÉMOIGNAGES NAZIS SUR LES MASSACRES DES POPULATIONS JUIVES

LE COMMANDANT D'AUSCHWITZ PARLE

Richard Bär, Josef Mengele (Médecin chef de Birkenau), Josef Kramer, Rudolf Höss (Commandant d'Auschwitz)

"Selon la volonté d'Himmler, Auschwitz était destiné à devenir le plus grand camp d'extermination de toute l'histoire de l'humanité.

Au cours de l'été 1941, lorsqu'il me donna personnellement l'ordre de préparer à Auschwitz une installation destinée à l'extermination en masse et me chargea moi-même de cette opération, je ne pouvais me faire la moindre idée de l'envergure de cette entreprise et de l'effet qu'elle produirait.

Il y avait certes dans cet ordre quelque chose de monstrueux qui surpassait de loin les mesures précédentes. Mais les arguments qu'il me présenta me firent paraître ses instructions parfaitement justifiées. Je n'avais pas à réfléchir ; j'avais à exécuter la consigne. Mon horizon n'était pas suffisamment vaste pour me permettre de me former un jugement personnel sur la nécessité d'exterminer tous les Juifs.

Du moment que le Führer lui-même s'était décidé à "une solution finale du problème juif", un membre chevronné du parti national-socialiste n'avait pas de question à se poser, surtout lorsqu'il était un officier S.S. "Führer, ordonne, nous te suivons" signifiait pour nous beaucoup plus qu'une simple formule, qu'un slogan. Pour nous, ces paroles avaient valeur d'engagement solennel.

Après mon arrestation, on m'a fait remarquer à maintes reprises que j'aurais pu me refuser à l'exécution de cet ordre ou même, le cas échéant, abattre Himmler. Je ne crois pas qu'une idée semblable ait pu effleurer l'esprit d'un seul parmi les milliers d'officiers S.S. C'était une chose impossible, impensable. Il y a eu certes beaucoup de cas où des officiers S.S. ont critiqué tel ordre particulièrement sévère d'Himmler ; ils ont protesté, grogné, mais il n'y a un seul cas où ils se soient refusés à obéir.

Parmi les officiers S.S nombreux étaient ceux que la dureté implacable d'Himmler avait blessés, mais je suis fermement convaincu qu'aucun d'entre eux n'aurait osé lever la main sur lui ; même dans leurs pensées les plus intimes, ils auraient reculé devant un tel acte. En sa qualité de Reichsführer S.S., Himmler était "intouchable". Les ordres qu'il donnait au nom du Führer étaient sacrés. Nous n'avions pas à réfléchir ou à rechercher des interprétations plus ou moins plausibles. Nous n'avions qu'à en tirer les dernières conséquences même en sacrifiant sciemment notre vie, comme beaucoup d'officiers S.S. l'ont fait pendant la guerre.

Ce n'est pas en vain que les cours d'entraînement pour S.S. nous offraient les Japonais comme un lumineux exemple du sacrifice total à l'État et à un Empereur d'essence divine. Le souvenir de ces cours d'instruction ne s'effaçait pas comme celui de conférences universitaires. Il restait profondément gravé dans nos esprits et Himmler savait très bien ce qu'il pouvait exiger de nous.

[...] C'est au printemps de 1942 qu'arrivèrent de Haute-Silésie les premiers convois de Juifs destinés à être exterminés jusqu'au dernier.

On leur fit traverser les barbelés et on les conduisit à travers les champs ou devaient s'élever par la suite les constructions du camp II, vers une ferme transformée en Bunker [1], Aumeier, Palitzsch et quelques autres blockführers les accompagnaient et s'entretenaient avec eux de la façon la plus anodine ; pour ne pas éveiller leurs soupçons, ils les interrogeaient sur leurs aptitudes, sur leurs professions. Arrivés à la ferme, ils reçurent l'ordre de se déshabiller et ils entrèrent dans les pièces où il s'attendaient à être désinfectés. Ils avaient conservé un calme parfait jusqu'au moment où certains d'entre eux, saisis de soupçons, se mirent à parler d'asphyxie et d'extermination. Une sorte de panique s'empara immédiatement du convoi. Elle fut maîtrisée rapidement : ceux qui se tenaient encore dehors furent poussés dans les chambres et l'on verrouilla les portes.

A l'arrivée des convois suivants, on rechercha parmi les détenus les esprits méfiants et on ne les quitta plus des yeux. Dès qu'une inquiétude se manifestait, on s'emparait discrètement des "trublions" pour les conduire derrière la cabane où on les abattait avec des carabines de petit calibre de façon à ce que les autres n'entendissent pas les coups de feu. Par ailleurs, la présence du "commando spécial"[2] et l'attitude apaisante des ses membres était faite pour rassurer ceux des condamnés qui soupçonnaient déjà quelque chose. Ils se sentaient d'autant plus rassurés que plusieurs hommes du commando spécial entraient avec eux dans les chambres et y restaient jusqu'au dernier moment, tandis qu'un S.S. se tenait également jusqu'au dernier moment sur le pas de la porte.

Ce qui importait avant tout, c'était de maintenir un calme aussi complet que possible pendant toute l'opération de l'arrivée et du déshabillage. Surtout pas de cri, pas d'agitation ! Si certains ne voulaient pas se déshabiller, il appartenait aux autres (déjà dévêtus) ou aux hommes du commando spécial de leur venir en aide. Avec de bonnes paroles, même les récalcitrants s'apaisaient et quittaient leurs vêtements. Les détenus du commando spécial avaient soin d'accélérer le rythme pour ne pas laisser aux victimes le temps de réfléchir.

il y avait quelque chose de bizarre dans cette participation active et zélée des hommes du Sonderkommando à l'opération du déshabillage et de l'introduction dans les chambres à gaz. Je n'ai jamais vu ni entendu que l'un d'entre eux ait dit un seul mot aux victimes à propos du sort qui les attendait. Bien au contraire, ils essayaient par tous les moyens de les détromper et surtout d'apaiser ceux qui avaient des soupçons. Si les condamnés avaient toutes raisons de ne pas se fier aux S.S., ils étaient en droit d'accorder confiance aux hommes de leur propre race : car je dois préciser que pour favoriser une bonne entente, les commandos spéciaux étaient exclusivement composés de Juifs, originaires des pays dont provenaient les victimes.

Ceux-ci se faisaient raconter en détail la vie à Auschwitz et posaient des questions qui concernaient surtout le sort d'amis ou de parents arrivés avec les convois précédents. C'était intéressant d'observer la maîtrise que les hommes du commando spécial déployaient dans le mensonge, la force de conviction et les gestes avec lesquels ils soulignaient leurs affirmations.

Nombreuses étaient les femmes qui cherchaient à cacher leur nourrisson dans les amas de vêtements. Mais les hommes du commando spécial veillaient et parvenaient à convaincre les mères de ne pas se séparer de leur enfant. Elles croyaient que la désinfection était dangereuse pour les petits et c'est pour cela, en premier lieu, qu'elles voulaient les soustraire à l'opération.

Dans cette ambiance inhabituelle, les enfants en bas âge se mettaient généralement à pleurnicher. Mais, après avoir été consolés par leur mère ou par les hommes du commando, ils se calmaient et s'en allaient vers les chambres à gaz en jouant, ou en se taquinant, un joujou dans les bras.

J'ai parfois observé des femmes déjà conscientes de leurs destin qui, une peur mortelle dans le regard, retrouvaient encore la force de plaisanter avec leurs enfants et de les rassurer.

L'une d'elles s'approcha de moi en passant et chuchota en me montrant ses quatre enfants qui se tenaient gentiment par la main pour aider le plus petit à avancer sur un terrain difficile : «Comment pouvez-vous prendre la décision de tuer ces beaux petits enfants ? Vous n'avez donc pas de coeur ?»

J'entendis aussi les paroles cinglantes d'un vieil homme qui se tenait tout près de moi : «Ce massacre des Juifs, l'Allemagne le paiera cher». Je lisais la haine dans ses yeux. Mais il entra calmement dans la chambre à gaz sans se préoccuper des autres.

Un autre jour, je remarquai une jeune femme qui ne cessait de courir à travers les pièces pour aider les vieilles et les enfants à se déshabiller. Elle-même était accompagnée de deux petits enfants au moment de la sélection. Son agitation et son aspect physique m'avaient frappé : elle n'avait pas du tout l'air d'une Juive. Maintenant elle n'avait plus les enfants auprès d'elle. Jusqu'au bout elle entourait de ses soins les femmes et les enfants qui n'avaient pas encore achevé de se déshabiller ; elle avait pour tous une parole aimable. Elle entra l'une des dernières dans le Bunker, s'arrêta sur le seuil et dit : "«Je savais dès le début qu'on nous avait conduits à Auschwitz pour nous gazer. Je me suis chargée de deux enfants pour échapper à la sélection des détenus capables de travailler. Je voulais subir mon sort en pleine conscience. j'espère que cela ira vite. Adieu.»

Mais parfois, pendant le déshabillage, il arrivait aussi que des femmes se missent à hurler, à s'arracher les cheveux et à gesticuler comme des folles. On s'en emparait rapidement et on les conduisait derrière la maison pour leur loger une balle dans la nuque.

Nous avons entendu également des femmes nous accabler de malédictions au moment où le personnel du commando quittait la pièce et où elles comprenaient ce qui les attendait.

J'ai vu une femme s'efforcer de faire sortir ses enfants au moment où l'on fermait les portes. Elle criait dans ses sanglots : «Au moins, sauvez la vie de mes enfants chéris !"»

Bref, beaucoup de scènes bouleversantes se déroulèrent qui ne pouvaient laisser indifférent aucun des témoins.

Au cours du printemps 1942, des centaines d'êtres humains ont trouvé la mort dans les chambres à gaz. La plupart n'avaient aucun soupçon, ils étaient en santé parfaite ; les arbres fruitiers qui entouraient la maison étaient en fleurs. Ce tableau où la vie côtoyait la mort est resté gravé dans ma mémoire."

Source : Rudolf Hoess. Le commandant d'Auschwitz parle. Editions La découverte , 1995.

[1] Forteresse, prison.

[2] Sonderkommando : le commando de la chambre à gaz et du crématoire, formé de déportés qui vivaient dans un block isolé et ne devaient jamais se mêler aux autres détenus.

L' UNIVERS DES BOURREAUX

Franz Stangl, né en Autriche en 1908, entré dans la police en 1931, a été affecté à la fin de 1940 au service T4, chargé de l'élimination des malades mentaux, comme surintendant de police à l'Institut d'euthanasie de Schloss-Harheim . Nommé en mars 1942 commandant du camp d'extermination de Sobibor, il a ensuite commandé le camp de Treblinka de septembre 1942 à août 1943, avec le grade d'Obersturmführer (lieutenant) dans la SS (un document officiel le qualifie de "meilleur commandant de camp en Pologne".

En 1945, il s'enfuit en Italie, puis à Damas, d'où il gagne en 1951 le Brésil. Extradé en 1967, il est jugé par le tribunal de Düsseldorf et condamné à la détention à vie. Il meurt en prison en 1971.

Gina Sereny, journaliste d'origine hongroise, fixée à Londres, a mené sur le cas Stangl une enquête très approfondie : soixante heures d'entretien dans la prison de Düsseldorf, complétées par de nombreux témoignages de collègues ou de victimes de Stangl. Le livre qui en a résulté Into the darkness, publié à Londres en 1974, a été traduit en français par Colette Audry et a paru l'année suivante sous le titre Au fond des ténèbres : De l'euthanasie à l'assassinat de masse.

Dans les extraits ci-dessous, on trouvera en italique les questions posées par G.Sereny. Tout le reste du texte est de la bouche de Stangl.

L'arrivée à Treblinka

En septembre 1942, le lieutenant Stangl est nommé commandant du camp de Treblinka (là il abandonne bientôt l'uniforme vert de la police pour revêtir la tenue de campagne grise de la SS).

J'y suis allé en voiture conduit par un chauffeur SS. L'odeur s'est fait sentir à des kilomètres. La route longeait la voie ferrée. A quinze ou vingt minutes de voiture de Treblinka, nous avons commencé à voir des cadavres le long de la voie, d'abord deux ou trois, puis davantage, et en arrivant à la gare, il y en avait des centaines, semblait-il, couchés là, abandonnés apparemment depuis des jours à la chaleur. Dans la gare, il y avait un train plein de Juifs, les uns morts, d'autres encore vivants, ça aussi avait l'air d'être là depuis des jours.

Mais tout cela n'était pas nouveau pour vous ? Vous aviez vu ce genre de transport couramment à Sobibor ?

Rien qui ressemblait à ça. Et à Sobibor -je vous l'ai dit- à moins de travailler dans la forêt, on pouvait vivre sans rien voir pratiquement ; la plupart d'entre nous n'avaient jamais vu un mourant ou un mort. Treblinka ce jour-là a été la chose la plus effroyable que j'aie vue durant tout le IIIe Reich. (Il plongea sa tête dans ses mains.) L'enfer de Dante, dit-il à travers ses doigts . C'était Dante sur terre. Lorsque je suis arrivé au camp, en descendant de voiture sur la place Sortierungsplatz, j'ai eu de l'argent jusqu'aux genoux. Je ne savais de quel côté me tourner, où aller. Je pataugeais dans les billets de banque ; la monnaie, les pierres précieuses, les bijoux, les vêtements. Il y en avait partout, répandus sur toute la place. L'odeur était indescriptible ; des centaines, non des milliers de cadavres partout, en décomposition, en putréfaction. De l'autre côté de la place, dans les bois, juste à quelques centaines de mètres de la clôture barbelée et tout autour du camp, il y avait des tentes et des feux avec des groupes de gardes ukrainiens et des filles - des putains, je l'ai appris plus tard, venues de tous les coins du pays - ivres, titubant, dansant, chantant, jouant de la musique.

LE FONCTIONNEMENT MENTAL D' UN SS

Comment pouviez-vous, en votre âme et conscience, vous porter volontaire pour prendre une part quelconque à un crime ?

C'était une question de survie - toujours de survie. Tout ce que je pouvais faire, pendant que je continuais à essayer de me tirer de là, c'était de limiter mes propres actions à un domaine dont je pouvais répondre en toute conscience. A l'école d'entraînement de la police, on nous avait appris [...] que la définition du crime devait satisfaire à quatre conditions : il fallait un sujet, un objet, une action, une intention. S'il manquait un seul des quatre éléments, alors on n'avait pas affaire à un crime punissable.

Je ne vois pas comment vous pouviez appliquer ce concept à la situation.

C'est ce que j'essaie de vous expliquer : je ne pouvais vivre que si je compartimentais ma pensée. C'est par ce moyen que je pouvais appliquer la définition à ma propre situation; si le "sujet" était le gouvernement, l'"objet" les Juifs et l'"action" celle de gazer, alors je pouvais me dire que pour moi le quatrième élément "l'intention" [qu'il appelait "libre volonté "] manquait. [...]

Et qu'est-ce que vous auriez fait si vous aviez été chargé en propre de faire fonctionner ces chambres à gaz elles-mêmes ?

Je ne l'étais pas, répliqua-t-il sèchement [...]. C'était fait par deux Russes - Ivan et Nicolau- sous le commandement d'un subordonné, Gustav Münzberger.

Serait-il exact de dire que vous vous êtes habitué aux liquidations ?

Il a réfléchi un moment. Puis il a dit, lentement et pensivement : «A dire vrai, on s'y habituait.»

Il fallait des jours, des semaines ou des mois ?

Des mois. Il m'a fallu des mois avant de pouvoir en regarder un en face. Je refoulais tout ça en essayant de créer des aménagements : des jardins, de nouveaux baraquements, de nouvelles cuisines, du nouveau en tout ; coiffeurs, tailleurs, cordonniers, charpentiers. Il y avait des centaines de moyens de penser à autre chose. Je les ai tous utilisés.

Même ainsi, puisque vous ressentiez tout cela avec force, il y avait bien des moments, peut-être la nuit, dans le noir, ou vous ne pouviez éviter d'y penser ?

En somme, la seule chose à faire, c'était de boire. Je me couchais avec un grand verre de cognac, chaque soir, et je buvais.

Je pense que vous éludez ma question.

Non, je ne le fais pas exprès. Bien sûr, les pensées venaient. Je les obligeais à partir. Je me forçais à me concentrer sur le travail, le travail et encore le travail.

Serait-il exact de dire que vous en êtes venu à éprouver le sentiment que ce n'étaient pas réellement des êtres humains ?

[...] C'était une cargaison. Une cargaison.

Quand pensez-vous que vous avez commencé à les considérer comme une cargaison ?

[...] Je crois que ça a commencé le jour où pour la première fois j'ai vu le Totenlager (camp de la mort) à Treblinka. Je me souviens de Wirth debout, à côté des fosses pleines de cadavres bleu-noir. Ça n'avait rien d'humain -ça ne pouvait pas l'être ; c'était une masse, une masse de chair pourrissante. Wirth m'a dit : "Qu'est-ce qu'on va faire de cette ordure ?" Je crois qu'inconsciemment c'est ça qui m'a poussé à les considérer comme une cargaison.

Il y avait tant d'enfants, est-ce qu'ils ne vous ont jamais fait penser aux vôtres, à ce que vous auriez ressenti à la place des parents ?

Non. [...] Je ne peux pas dire que ça me soit venu à l'idée. [...] Voyez-vous, je les ai rarement perçus comme des individus. C'était toujours une énorme masse. Quelquefois j'étais debout sur le mur et je les voyais dans le "couloir". Mais -comment expliquer- ils étaient nus, un flot énorme qui courait conduit à coups de fouet comme...

Vous ne pouviez rien y changer ? Au poste que vous occupiez, ne pouviez-vous pas empêcher le déshabillage, les coups de fouet, l'horreur des parcs à bestiaux ?

Non, non, non. C'était le système. Wirth l'avait inventé. Il fonctionnait. Et parce qu'il fonctionnait, il était intangible.

Comment la femme du commandant découvre la vérité sur le camp d'extermination de Sobibor : le témoignage de Fran Stangl.

Un jour, alors qu'il était parti travailler -je croyais encore que c'était à des constructions ou à l'aménagement d'une base de ravitaillement -Ludwig [1] est arrivé avec d'autres hommes pour acheter du poisson ou je ne sais quoi. Il avait apporté du schnaps et ils se sont assis dans le jardin pour boire. Ludwig est venu me trouver -j'étais aussi dans le jardin avec les enfants- et il a commencé à me parler de sa femme et de ses gosses ; et il continuait, continuait, j'en avais plein le dos, d'autant plus qu'il puait l'alcool et devenait de plus en plus larmoyant. Mais je pensais que le pauvre était si seul -je devais au moins l'écouter jusqu'à la fin. Et alors, il m'a dit soudain : "Füchterlich - Terrible, c'est terrible, vous n'avez pas idée comme c'est terrible ! J'ai demandé ; "Qu'est-ce qui est terrible ? - Vous ne savez pas ? Vous ne savez pas ce qui se fait ici ? - Non, quoi ? - Les Juifs, répliqua-t-il, on les liquide. - On les liquide ? ai-je répliqué. Qu'est-ce que vous dites ? - Avec du gaz. Des quantités inouïes Unheimliche Mengen ." Il a répété que c'était affreux et puis il a dit, d'un ton pleurard : «Mais c'est pour le Führer. Pour lui nous nous sacrifions, pour lui -nous obéissons à ses ordres.» Et puis il a dit aussi : «Vous vous rendez compte ce qu'il pourrait arriver si les Juifs nous tenaient, nous, un jour ?»

Alors je lui ai dit de s'en aller. Je ne savais plus où j'en étais. J'étais au bord des larmes. J'ai rentré les enfants dans la maison : je me suis assise, le regard fixe, plongeant dans un abîme sans fond. C'est ça que j'avais sous les yeux ! mon mari, mon homme, mon brave homme, comment pouvait-il être mêlé à ça ? [...]

[1] Adjudant, placé sous les ordres de F.Stangl.

Source : Gitta Sereny, Au fond des ténèbres : De l'Euthanasie à l'assassinat de masse, Denoël, 1975.

COMPLICITÉ DANS L' ASSASSINAT DE PLUS DE 150 000 PERSONNES

Le sergent SS Walter Burmeister a été affecté à la fin de 1941 au camp d'extermination de Chelmno comme conducteur de véhicule de gazage. Jugé après la guerre, il sera condamné à treize ans de prison pour complicité dans l'assassinat de plus de 150 000 personnes.

Transport de Juifs à Zawiercie en route pour le camp d'extermination de Chelmno

A l'arrivée à Chelmno, raconte-t-il, "nous avons dû nous présenter chez le commandant du camp, le SS- Hauptsturmführer Bothmann. Il nous a reçus dans son appartement et nous a exposé la situation en présence du SS-Untersturmführer Albert Plate ( le suppléant de Bothmann). Il nous a expliqué que nous avions été détachés à la surveillance du camp d'extermination de Kulmhof ; que, dans ce camp, on exterminait les Juifs, la peste bubonique de l'humanité, et que nous devions garder le silence sur tout ce que nous entendions et voyions, et qu'à défaut nous devrions nous attendre à la peine de mort ou à ce que nous soyons incarcérés, nous et nos familles".

Le camp d'extermination était constitué du fameux château et du bois. Le château était une bâtisse de bonne taille en pierre, située à la lisière du village de Kulmhof. [...]

Dès que la rampe du château a été construite, les gens sont arrivés à Kulmhof (1) par camions venant de Litzmannstadt [2]. On leur a expliqué qu'ils devaient prendre un bain et que leur vêtements devaient être désinfectés, mais qu'auparavant ils pouvaient déposer leurs objets de valeur qui seraient enregistrés. Sur les instructions de Lange, le chef du commando (prédécesseur de Bothmann), il m'est parfois arrivé, combien de fois, je ne m'en souviens plus exactement, de tenir ce discours au château devant les gens qui attendaient. Ces paroles devaient les induire en erreur sur ce qui les attendait. Dès qu'ils s'étaient déshabillés, on leur demandait de descendre dans les caves du château, ils empruntaient un couloir pour arriver à la rampe, d'où ils montaient dans les camions de gazage. Dans le château, on avait apposé des panneaux portant l'inscription "vers les salles de bains". Quant aux véhicules de gazage, il s'agissait de gros camions munis d'un fourgon de 4 à 5 m de long sur 2,20 m de large et haut de 2 m. L'habitacle était recouvert de tôle, des claies de bois étaient posés sur le sol. On avait percé un orifice dans le fond du fourgon, que l'on pouvait relier au pot d'échappement par un tuyau métallique flexible. Dès que le camion était plein, on fermait les portes de derrière, et on reliait le pot d'échappement à l'habitacle.

Les membres du commando affectés comme chauffeurs des véhicules de gazage mettaient immédiatement le moteur en marche, si bien que les gens qui se trouvaient à l'intérieur étaient asphyxiés par les gaz de combustion. Puis on interrompait le circuit entre le pot d'échappement et l'habitacle et le chauffeur conduisait le camion dans la clairière. Les cadavres y étaient déchargés, on les enterrait d'abord dans les fosses, on les brûlait par la suite [...]. Je reconduisais immédiatement le camion au château et je le rangeais. C'est là qu'on nettoyait tous les excréments laissés par les gens qui y étaient morts. Puis il était de nouveau utilisé pour le gazage [...].

Je ne saurais plus dire aujourd'hui à quoi je pensais à l'époque, et si j'ai réfléchi à ce que je faisais. Actuellement, je ne saurais pas dire si la propagande de l'époque m'avait influencé au point de ne pas pouvoir refuser d'obéir aux ordres donnés.

[1] Nom allemand de Chelmno.

[2] Nom allemand de Lodz.

MASSACRES EN UKRAINE

- à Rowno en juillet 1942

- près de Dubno en octobre 1942

Avant de procéder au jugement des criminels de guerre nazis, le Tribunal militaire international de Nuremberg a commencé par rassembler de manière systématique les témoignages. On notera que celui qui est présenté ici émane d'un civil allemand envoyé diriger une entreprise en Ukraine.

Rowno: la Wehrmacht entre dans la ville. Premières exactions

A Rowno

Je soussigné, Hermann Friedrich Gräbe, déclare sous serment :

- De septembre 1941 à janvier 1944, j'ai été gérant d'affaires et ingénieur-directeur d'une filiale de l'entreprise de construction Josef Jung, Soligen, dont le siège est à Sdolbunow en Ukraine. Mes fonctions m'appelaient à visiter les chantiers de l'entreprise. L'un d'entre eux se trouvait à Rowno, en Ukraine. Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1942, à Rowno, tous les habitants du ghetto, qui contenait environ 5 000 Juifs, ont été liquidés.

Je décris ci-dessous les circonstances qui me rendirent le témoin de la liquidation du ghetto et l'exécution de cette mesure pendant la nuit et au matin...

Peu après 22 heures, le ghetto fut cerné par de nombreuses forces de SS et environ trois fois plus de miliciens ukrainiens. Les lampes à arcs installés autour du ghetto furent ensuite allumées. Des groupes de 4 à 6 SS et miliciens pénétrèrent dans les maisons ou essayèrent d'y pénétrer. Lorsqu'ils se trouvaient devant les portes et des fenêtres verrouillées et que les habitants ne répondaient pas aux coups frappés à la porte ou aux appels, les SS et les miliciens cassaient les vitres, enfonçaient les portes avec des poutres et des barres de fer et pénétraient dans les logements. Les habitants furent jetés à la rue dans la tenue où ils se trouvaient à ce moment-là, habillés ou en vêtements de nuit. Comme la plupart des Juifs manifestaient de la résistance, les SS et les miliciens employèrent la force. A coups de pieds, à coup de fouets et de crosses, ils réussirent à faire évacuer les maisons. L'expulsion eut lieu avec tant de hâte que, dans quelques cas, les enfants en bas âge déjà couchés furent oubliés. Dans la rue, les femmes se lamentaient et appelaient leurs enfants à grands cris, les enfants hurlaient et cherchaient leurs parents. Cela n'empêcha pas les SS de les pourchasser au pas de course à travers les rues, en les frappant, jusqu'au train de marchandises qui les attendait.

Les wagons furent remplis les uns après les autres ; sans cesse, on entendait les cris des femmes et des enfants, le sifflement des fouets, les coups de fusils. Quelques familles ou groupes s'étant barricadés dans des maisons particulièrement solides dont les portes ne cédaient pas sous les coups des poutres et des barres de fer, on les fit sauter à la grenade. Le ghetto étant situé tout près du chemin de fer de Rowno, des jeunes gens essayèrent de fuir les abords du ghetto en traversant les rails et une petite rivière. Mais ce terrain n'étant pas éclairé par l'éclairage en place, on lança des fusées lumineuses. Pendant toute la nuit, ces gens battus, pourchassés et blessés traversèrent les rues éclairées. Des femmes portaient leurs enfants morts dans leurs bras, des enfants tiraient et traînaient leurs parents morts par les bras et par les jambes jusqu'au train. Toute la nuit on entendit à travers le quartier du ghetto, les cris de "Ouvrez ! Ouvrez ! "

Vers 6 heures du matin, je m'éloignai un moment [...]

Les Allemands étaient revenus, entre-temps, sur les lieux. Comme, à mon avis, le plus gros du danger était passé, je croyais pouvoir risquer la chose. Juste après mon départ, des miliciens pénétrèrent au 5 de la Bahnhofstrasse, en firent sortir 7 Juifs et les menèrent au lieu de rassemblement à l'intérieur du ghetto. A mon retour, je réussis à empêcher le départ d'autres Juifs. Pour sauver les 7 personnes appréhendées, je me rendis au point de rassemblement. Dans les rues que je traversai, je vis des dizaines de cadavres des deux sexes, de tout âge. Les portes des maisons béaient, les fenêtres étaient enfoncées. Les rues étaient jonchées de pièces de vêtements, de souliers, bas, vestes, bonnets, chapeaux, manteaux, etc. Au coin d'une maison gisait un enfant de moins d'un an, le crâne fracassé. Du sang et des fragments de cerveau collaient au mur de la maison, entouraient l'enfant. Il n'était vêtu que d'une petite chemise.

Près de Dubno.

[...] (le 5 octobre 1942) Les gens descendus des camions, des hommes, des femmes et des enfants de tout âge, sous la surveillance d'un SS muni d'une cravache, se déshabillaient et déposaient leurs habits en tas séparés : chaussures, vêtements, linge de corps. J'ai vu un tas de souliers comportant de 800 à 1000 paires, des grands tas de linge et de vêtements. Les gens se déshabillaient sans cris ni pleurs ; les familles groupées s'embrassaient, se faisaient leurs adieux et attendaient le signe d'un autre S.S., debout près de la fosse, tenant lui aussi un fouet.

J'ai passé un quart d'heure près de la fosse et je n'ai entendu aucune plainte, aucune prière pour être épargné. J'observai une famille d'environ huit personnes : un homme et une femme, leurs enfants d'environ un, huit et dix ans ainsi que deux grandes jeunes filles de vingt et vingt-quatre ans. Une vieille femme aux cheveux tout blanc portait l'enfant d'un an, lui chantait quelque chose et le chatouillait. L'enfant gloussait de plaisir. Les parents regardaient les larmes aux yeux. Le père tenait par la main un garçon d'une dizaine d'années et lui parlait doucement. L'enfant luttait contre les larmes. Le père lui montra le ciel du doigt, lui caressa la tête, semblant lui expliquer quelque chose.

C'est alors que le SS près de la fosse cria en direction de son camarade. Ce dernier groupa une vingtaine de personnes et leur dit d'aller derrière la butte de terre. La famille dont j'ai parlé faisait partie de ce groupe. Je me rappelle encore très bien qu'une fille mince et brune, en passant près de moi, se montra du doigt et dit "vingt-trois ans". Je contournai la butte et me trouvai devant l'énorme fosse. Les gens y étaient serrés et étendus les uns sur les autres ; on ne voyait que les têtes. De presque toutes, le sang ruisselait, coulant sur les épaules. Quelques-uns des fusillés bougeaient encore. Certains levaient les bras et tournaient la tête pour montrer qu'ils étaient encore vivants. La fosse était déjà aux trois quarts pleine. D'après moi, il s'y trouvait déjà un millier de personnes. Je cherchai des yeux le tireur. C'était un SS, il était assis par terre au bord de la fosse, les jambes pendantes, une mitraillette posée sur les genoux. Il fumait une cigarette.

Les gens, complètement nus, descendirent un escalier creusé dans la paroi de terre de la fosse ; glissant sur les têtes des fusillés étendus ils allèrent jusqu'à l'endroit que leur montra le SS. Ils se couchèrent devant les morts et les blessés ; quelques-uns caressaient ceux qui vivaient encore et leur parlaient. J'entendis une série de coups de feu. Je regardai dans la fosse et vis les corps palpiter ou les têtes déjà immobiles. Le sang coulait des nuques. Je m'étonnai que l'on ne m'eût pas donné l'ordre de m'en aller mais je vis aussi deux ou trois employés des postes, en uniforme, qui se trouvaient à proximité. Le groupe suivant arrivait déjà, descendait dans la fosse , se rangeait devant les dernières victimes, était fusillé. En retournant de l'autre côté de la butte, je vis un nouveau chargement arriver. Cette fois, il y avait des malades et des invalides. Une vieille femme très maigre, aux jambes effroyablement décharnées, fut déshabillée par d'autres gens déjà nus tandis qu'on la soutenait. Elle devait être paralysée. Les gens nus la portèrent de l'autre côté de la butte. Je m'éloignai avec Moennickes et rentrai à Dubno en voiture.

Le lendemain matin, en retournant au chantier, je vis une trentaine de personnes étendues dans le voisinage de la fosse, complètements nues. Quelques-unes vivaient encore, regardant droit devant elles, l'oeil hagard, ne semblant avoir conscience ni du froid matinal, ni de la présence de mes ouvriers. Une fille d'environ vingt ans m'adressa la parole, me demanda des vêtements et me pria de l'aider à fuir. Mais nous entendîmes une voiture qui se rapprochait très vite ; c'était un commando SS. Je m'éloignai et me dirigeai vers le chantier. Dix minutes plus tard, nous entendîmes des coups de feu provenant du voisinage de la fosse. On avait fait jeter les cadavres dans la fosse par les Juifs survivants, qui durent ensuite se coucher sur les morts pour recevoir le coup de feu dans la nuque.

Je fais ces déclarations à Wiesbaden, Allemagne, le 10 novembre 1945. Je jure devant Dieu que ceci est la pure vérité.

Fried Gräbe.

Source : déposition sous serment de Hermann Friedrich Gräbe le 10 novembre 1945. Tribunal militaire international, Le Procès des grands criminels de guerre, Nuremberg, 1947-1949, Vol. XXXI, pp.441-450 (PS-2992).

LE PROCÈS DE NUREMBERG

Institué par l'accord de Londres et le statut qui l'accompagnait, le tribunal militaire international de Nuremberg a siégé en 1945-1946 pour juger les responsables allemands nazis accusés de violations des lois de la guerre, de crimes contre la paix et de crimes contre l'humanité. Le tribunal était composé de magistrats de chacune des quatre puissances alliées : les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l'Union soviétique. Par ce procès, les Alliés reconnaissaient l'importance de satisfaire un besoin de justice des pays d'Europe qui avaient été ravagés par la guerre, et d'obliger les criminels de guerre nazis à répondre de leurs violations du droit international devant le monde entier.

Le tribunal avait retenu 74 chefs d'accusation contre les 22 prévenus. Trois d'entre eux furent acquittés, douze furent condamnés à la peine de mort par pendaison ; des peines d'emprisonnement allant de dix ans à la perpétuité furent prononcées contre sept d'entre eux.

Au cours du procès, les accusés plaidèrent qu'ils exécutaient les ordres de leurs supérieurs. Cette invocation des «ordres supérieurs» fut rejetée par la cour, qui considéra que «les crimes contre le droit international sont commis par des hommes, et non par des entités abstraites, et ce n'est qu'en punissant les individus qui commettent de tels crimes que les principes du droit international peuvent être appliqués». Le tribunal décida également que les personnes qui occupaient des postes de responsabilité devaient répondre des actes de ceux qui étaient placés sous leur commandement. Le statut de Nuremberg stipule en effet que le fait d'avoir été chef de l'État ou d'avoir occupé un poste officiel ne disculpe pas le prévenu de sa responsabilité pour les faits incriminés et ne permet pas une réduction de la peine.

Le droit international s'est traditionnellement penché sur l'interaction des États-nations et non sur la responsabilité individuelle. Le procès de Nuremberg modifie cette donne, jetant les fondements de la notion de responsabilité individuelle, qui serait désormais reprise par le droit international. De ce procès allaient naître les futures conventions des Nations-unies, qui poseraient les principes du droit pénal international en matière de droits de l'homme et définiraient les juridictions chargées de les mettre en oeuvre.

Source : Michael. J. Bazyler."Le livre noir de l'humanité". Encyclopédie mondiale des génocides. Éditions Privat. 2001.

Les accusés au Procès de Nuremberg

Chefs d'accusation : 1. Crimes contre la paix

2. Préparation de guerre d'agression

3. Crimes de guerre

4. Conspiration contre l'humanité

H. Goering, Maréchal du Reich, chef de la Luftwaffe, Président du Reichstag. Verdict : Coupable des 4 chefs d'accusation. Sentence : Mort (s'est suicidé).

J. von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères. Verdict : Coupable des 4 chefs d'accusation. Sentence : Mort (exécuté).

A. Rosenberg, théoricien de la philosophie nazie et ministre du Reich pour les territoires occupés de l'Est. Coupable des chefs 3 et 4. Sentence : Mort (exécuté).

J. Streicher, directeur du journal Der Stümer, gauleiter de Franconie. Coupable du chef 4. Sentence : Mort (exécuté).

E. Kaltenbrunner, chef de l'office Suprême de Sécurité du Reich. Coupable des chefs 3 et 4.Sentence : Mort (exécuté).

H. Frank, juriste d'Hitler puis gouverneur de la Pologne occupée. Coupable des chefs 3 et 4.Sentence : Mort (exécuté).

F. Sauckel, chargé de la réquisition de la main-d'oeuvre dans les pays occupés. Coupable des chefs 3 et 4. Sentence : Mort (exécuté).

A. Seyss-Inquart, gouverneur d'Autriche puis commissaire du Reich aux Pays-Bas. Coupable des chefs 2, 3 et 4. Sentence : Mort (exécuté).

W. Frick, ministre de l'Intérieur. Coupable des chefs 2, 3 et 4. Sentence : Mort (exécuté).

W. Keitel, Chef d'état-major du Haut Commandement de la Wehrmacht. Coupable des 4 chefs d'accusation. Sentence : Mort (exécuté).

A. Jodl, chef des opérations du Haut-Commandement. Coupable des 4 chefs d'accusation. Sentence : Mort (exécuté).

M. Bormann, chef de la Chancellerie du parti nazi et secrétaire particulier d'Hitler. Coupable des chefs 3 et 4. Sentence : Mort par contumace.

E. Raeder, commandant en chef de la Marine. Coupable des chefs 2, 3 et 4. Sentence : Prison à perpétuité (libéré en 1955)

W. Funk, successeur de Schacht comme ministre de l'Économie. Coupable des chefs 2, 3 et 4. Sentence : Prison à perpétuité (libéré en 1957)

R. Hess, adjoint d'Hitler. Jugé irresponsable en raison de son état mental. Coupable des chefs 1, 2. Sentence : mort en prison en 1988.

A. Speer, ministre des Armements et Munitions. Coupable des chefs 3 et 4. Sentence : Vingt ans de prison.

B. von Schirach, chef des Jeunesses hitlériennes et gauleiter de Vienne. Coupable du chef 4. Sentence : Vingt ans de prison.

C. von Neurath, ministre des Affaires étrangères puis "protecteur" de Bohême-Moravie.

K. Doenitz, grand amiral, chef de la marine allemande et successeur d'Hitler. Coupable des chefs 2, 3 . Sentence : Dix ans de prison.

H. Schacht, président de la Reichsbank et ministre de l'Économie.Non coupable. Sentence : acquitté.

F. von Papen, chancelier du Reich avant Hitler et ambassadeur en Autriche et en Turquie sous le régime de Hitler. Non coupable. Sentence : acquitté.

H. Frizsche, chef de la propagande radiophonique du ministère de la Propagande. Non coupable. Sentence : acquitté.

LE PROCÈS EICHMANN

Après la Seconde Guerre mondiale, Adolf Eichmann, qui avait dirigé le bureau des Affaires juives de l'Office central de sécurité du Reich et organisé les déportations vers Auschwitz, s'enfuit d'Autriche et parvint en Argentine, où il vécut sous le nom de Ricardo Klement. En mai 1960, des agents du Mossad, le Service de renseignement israélien, s'emparèrent d'Eichmann en Argentine et le transportèrent à Jérusalem pour qu'il soit jugé par un tribunal israélien. L'accusé témoigna à l'abri d'un box protégé par une vitre à l'épreuve des balles.

Le procès Eichmann suscita l'intérêt de la communauté internationale, et révéla au monde entier l'ampleur des atrocités nazies. Les témoignages de survivants de la Shoah, en particulier ceux de combattants des ghettos tel que Zivia Lubetkin, l'une des dirigeantes de l'insurrection du ghetto de Varsovie, attirèrent l'attention sur la résistance juive. Le procès permit une plus grande ouverture en Israël ; de nombreux survivants de la Shoah se sentirent enfin capables de raconter leur histoire et leurs souffrances.

L'acte d'accusation, rédigé par le procureur général d'Israël, Gideon Hausner, comportait quinze chefs d'accusation, dont ceux de crimes contre le peuple juif et de crimes contre l'humanité.

Les accusations contre Eichmann étaient multiples. Après la Conférence de Wannsee (le 20 janvier 1942), Eichmann avait coordonné les déportations de Juifs d'Allemagne et d'ailleurs en Europe de l'Ouest, du Sud et de l'Est, vers les camps d'extermination (par le biais de ses représentants Aloïs Brunner, Theodor Dannecker, Rolf Günther et Dieter Wisliceny). Eichmann avait dressé les plans de déportation jusque dans les moindres détails. Travaillant avec d'autres organismes allemands, il géra aussi la confiscation des biens des déportés et s'assura que ses services pourraient en profiter. Il géra également des dispositions pour la déportation de dizaines de milliers de Tsiganes.

Eichmann fut aussi accusé de participation à des organisations criminelles - les Sections d'assaut (SA), les Services de sécurité (SD) et la Gestapo qui avaient été déclarées comme étant des organisations criminelles pendant le procès de Nuremberg de 1946.

Déclaré coupable de tous les chefs d'accusation, Eichmann fut condamné à mort. Il fut pendu le 1er juin 1962. Son corps fut incinéré et ses cendres dispersées dans la mer, au-delà des eaux territoriales d'Israël.
Ce fut la seule fois dans l'histoire de l'État d'Israël que la peine capitale fut appliquée. Le procès Eichmann marqua un tournant dans la mémoire de la Shoah. Il permit de présenter à l'opinion internationale l'ampleur de la Shoah.

Source : Mémorial de la Shoah, Paris, France