LE CAMP D' EXTERMINATION D'AUSCHWITZ - BIRKENAU
Nom d'un camp de la mort bien précis, Auschwitz est devenu l'archétype même, le symbole du mal absolu né de la Shoah. Point culminant d'un processus d'industrialisation de la mort, les chambres à gaz et les fours crématoires d'Auschwitz sont là pour nous rappeler à jamais la confluence de fantasmes religieux et laïques concernant le peuple juif et tous ceux que l'on jugea indignes de vivre. Située dans le sud-ouest de la Pologne, non loin de Katowice, la ville polonaise d'Oswiecim fut rebaptisée Auschwitz par les Allemands. Une ligne de chemin de fer la reliait à plusieurs autres villes européennes. Une caserne militaire austro-hongroise de la Première Guerre mondiale fut transformée en camp en juin 1940 pour les prisonniers politiques polonais. Le site fut rapidement agrandi. En septembre 1941, 600 prisonniers de guerres russes et 300 Juifs y furent gazés au zyklon - B. C'est Rudolf Höss qui en fut le commandant, depuis sa création jusqu'à sa libération par les forces russes en janvier 1944.
Entrée d' Auschwitz I, sur laquelle figure l'inscription Arbeit macht frei
Auschwitz était divisé en trois grandes sections. C'est dans le camp principal, Auschwitz I, que les Allemands tuèrent environ 150 000 personnes, principalement des Polonais, mais aussi des Russes et des Juifs. Sur le portail qui conduisait à cette partie du camp étaient inscrits ces mots cyniques : Arbeit macht frei (le travail rend libre). Auschwitz - Birkenau était situé à trois kilomètres d' Auschwitz I. Ce camp fut complété en juin 1942 et environ 1,33 millions de Juifs et de Tsiganes, ainsi que quelques prisonniers russes, y périrent.
Les premiers déportés juifs furent gazés à Auschwitz - Birkenau en mai 1942. Le chemin de fer menait directement dans le camp, où de nombreux déportés moururent dès leur arrivée. Auschwitz III, Monowitz ou Buna, était la section industrielle de l'ensemble : les prisonniers y travaillaient comme des esclaves pour des compagnies allemandes comme I.G Farben et Krupp. Quand les prisonniers n'étaient plus en mesure de travailler, ils étaient envoyés dans les chambres à gaz et les industriels achetaient d'autres esclaves aux SS.
Femmes et enfants juifs hongrois arrivent au camp d'extermination d'Auschwitz - Birkenau le 26 mai 1944 - les femmes et les enfants étaient gazés dès leur arrivée au camp.
Auschwitz était une immense nécropole. Ce fut le centre d'extermination des Juifs le plus important de toute l'Europe, et le seul camp de la mort où l'on tatoua les détenus. La mort était administrée de plusieurs façons, mais toujours avec une efficacité redoutable. Dès leur arrivée, les prisonniers étaient triés, soit pour être éliminés immédiatement (les personnes âgées, malades, handicapées, les jeunes enfants, les femmes enceintes), soit pour les travaux forcés. Le médecin Josef Mengele, l'abominable ange de la mort, qui arriva au camp en mai 1943, supervisa au moins soixante-quatorze séances de tri, et s'essaya à des expériences épouvantables sur des jumeaux et des nains. Le triage se poursuivait dans les baraquements, et dans ce que l'on appelait l'infirmerie, pour faire de la place au fur et à mesure qu'arrivaient d'autres prisonniers. De nombreux détenus mouraient aussi des effets de la faim, des travaux forcés, des sévices et de la torture.
Auschwitz se caractérisait aussi par la gestion industrielle des condamnés et des cadavres, par son système de convoyage à la chaîne, depuis le tri jusqu'aux fours crématoires, en passant par les quatre chambres à gaz. Après le gazage, les cadavres étaient traînés jusqu'aux fours crématoires par des prisonniers désignés de force, les membres du Sonderkommando, qui étaient abattus sur le champ s'ils refusaient d'obtempérer. Leur propre moyenne de vie n'excédait pas trois mois, puisqu'ils étaient gazés et incinérés à leur tour. Les cadavres étaient une source de richesse pour l'État allemand. Les prothèses dentaires en or étaient prélevées, les montres et les bijoux envoyés au Reich ; les cheveux servaient pour les matelas, les os étaient broyés et répandus sur les routes verglacées. En dépit de leur dénuement total, de leur manque d'organisation, de leur état de malnutrition extrême et de l'absence totale de soutien extérieur, les prisonniers juifs, hommes et femmes, se soulevèrent le 7 octobre 1944, et ils détruisirent en partie le four crématoire n°4. Les principaux coordinateurs furent, entre autres, Zalmen Gradowski, Josef Derenski, Ala Gerner et Roza Robota.
Le musée national d'Auschwitz - Birkenau fut crée par trois anciens détenus du camp, en mémoire de ceux qui avaient péri, et pour mettre en garde le monde entier contre les horreurs du nazisme. En 1979, l'UNESCO classa Auschwitz site du patrimoine de l'humanité, ce qui signifie que la Pologne s'engage à le préserver pour les générations à venir. Ce musée est chargé de maintenir le camp en l'état, d'exposer différents objets : cheveux humains, chaussures, prothèses, valises, lunettes, brosses à dent, et d'autres articles ayant appartenu aux victimes. Le musée possède aussi des archives.
Alan L. Berger. Le livre noir de l'humanité. Encyclopédie mondiale des génocides. Editions Privat. 2001.
En avant-propos de son livre témoignage Médecin à Auschwitz, Nyiszli Miklos déclare : Je soussigné, Nyiszli Miklos, docteur en médecine, ancien prisonnier du KZ n° A.8.450, déclare avoir rédigé cette oeuvre, qui relate les jours les plus sombres de l'histoire de l'humanité, conformément à la stricte réalité, exempte de toute passion, sans la moindre exagération, en qualité d'acteur et de témoin oculaire du travail des crématoriums d'Auschwitz dans les fours desquels des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants ont disparu.
Enfants soumis à des expériences médicales à Auschwitz
En qualité de médecin-chef des crématoriums d'Auschwitz, j'ai rédigé d'innombrables procès-verbaux de dissection et constats de médecine légale que j'ai signés de mon numéro de tatouage. J'ai envoyé par poste ces documents contresignés par mon supérieur, le docteur Mengele, à l'adresse de Berlin - Dahlem, Institut für Rassenbiologische und Anthropologische Forschungen, un des organismes médicaux les plus qualifiés du monde. On doit pouvoir les retrouver encore aujourd'hui dans les archives de cet institut de recherches.
En écrivant cette oeuvre, je ne vise pas des succès littéraires. Lorsque j'ai vécu ces horreurs dépassant toute imagination, je n'étais pas un écrivain, mais un médecin. Aujourd'hui, lorsque je les relate, je ne le fais pas dans le but d'écrire un reportage, mais dans celui de livrer une expérience vécue.
Fait à Oradea - Nagyvarad, mars 1946.
Dr Nyiszli Miklos.
Venant de la rampe, le sifflement prolongé d'une locomotive se fait entendre. Il est encore très tôt ; je m'approche de la fenêtre d'où j'ai une vue directe. J'aperçois un train très long. Au bout de quelques instants les portières coulissent et les wagons déversent par milliers le peuple d'Israël. Alignement et sélection prennent à peine une demi-heure ; la colonne de gauche s'éloigne lentement.
Des ordres qui retentissent et des bruits de pas rapides parviennent jusqu'à ma chambre. Ce bruit provient de la salle des fours du crématorium. Ce sont les préparatifs que l'on fait pour l'accueil du convoi. On entend vrombir des moteurs : on vient de mettre en marche d'immenses ventilateurs pour attiser le feu afin d'obtenir le degré voulu dans les fours. Quinze ventilateurs tournent à la fois ; il y en a un à côté de chaque four.
La salle d'incinération est longue d'environ cent cinquante mètres, claire et badigeonnée à la chaux ; le sol est en béton ; les fenêtres grillagées. Les quinze fours proprement dits sont logés chacun dans une construction en briques rouges. D'immenses portes de fer, bien nettoyées et brillantes, s'alignent sinistrement le long de la salle.
Après cinq à six minutes, le convoi arrive devant la porte dont les battants s'ouvrent. Le groupe en colonne par cinq entre dans la cour : c'est l'instant dont personne ne sait rien. Celui qui pourrait en savoir quelque chose après avoir parcouru le chemin de son destin - les trois cents mètres qui séparent cet endroit de la rampe - n'est jamais ressorti pour pouvoir en parler. C'est l'un des crématoriums qui attend ceux qui ont été dirigés lors de la sélection dans le groupe de gauche. Ce n'est donc pas un camp pour malades et enfants, où les invalides soignent les petits, comme l'avait fait croire le mensonge nazi pour apaiser l'angoisse de ceux du groupe de droite.
Ils avancent à pas lents et fatigués. Les enfants aux yeux clignotants de sommeil s'accrochent aux vêtements de leur mère. Les bébés, le plus souvent, sont transportés dans les bras du père ou bien ce dernier pousse leur voiture. Les gardes SS restent devant les portes du crématorium, car une affiche apposée à la porte indique que l'entrée est rigoureusement interdite à tout étranger aux services, y compris les SS.
Un train de Belgique arrive à Auschwitz, avec à son bord près de 2 000 personnes. 387 hommes et 81 femmes sont envoyés vers les baraques, 1 558 personnes sont gazées dès leur arrivée.
Les déportés découvrent tout de suite les robinets d'arrosage disposés dans la cour. Ils sortent des gamelles et des casseroles de leur mallette. Le rang est rompu. Se bousculant les uns et les autres, ils essaient de se rapprocher des robinets et de remplir leurs récipients. Ce n'est pas étonnant qu'ils soient impatients : il y a cinq jours qu'ils n'ont rien bu. Le peu d'eau dont ils disposaient était croupie et ne les désaltérait pas.
Les gardes SS qui reçoivent les convois sont habitués à cette scène. Ils attendent patiemment jusqu'à ce que chacun ait apaisé sa soif et rempli ses récipients. Tant qu'ils n'ont pas bu, ils ne pourraient de toute manière les faire ranger en colonne. Lentement, ils commencent à les rassembler . Ils avancent environ de cent mètres sur un chemin en mâchefer bordé de gazon vert jusqu'à une rampe de fer d'où dix ou douze marches en béton conduisent sous terre dans une vaste pièce dont la façade porte une grande affiche écrite en allemand, en français, en grec et en hongrois : Bains et salle de désinfection. Aussi, ceux qui ne se doutent, s'apaisent, se calment. Ils descendent presque gaiement l'escalier.
Chambre à gaz à Auschwitz - Birkenau
La pièce où le convoi est conduit est longue d'environ deux cents mètres. Les murs sont badigeonnés de blanc et elle est puissamment éclairée. Au milieu de la salle, des rangées de colonnes. Autour des colonnes, ainsi que tout le long des murs, il y a des bancs. Au-dessus des bancs, des portemanteaux numérotés. De nombreux écriteaux attirent l'attention de chacun en lui enjoignant dans sa propre langue de déposer ses vêtements et ses chaussures attachés ensemble. Surtout, qu'on n'oublie pas le numéro du portemanteau pour éviter au retour du bain une confusion inutile. C'est vraiment de l'ordre allemand, disent ceux qui sont enclins depuis longtemps à admirer leur esprit d'organisation. Ils ont raison. C'est en effet pour l'ordre que ces mesures sont prises afin que les milliers de chaussures de bonne qualité attendues depuis longtemps par le IIIe Reich ne se mélangent pas. Il en est de même pour les vêtements, afin que la population des villes bombardées puisse les utiliser sans difficulté.
Four crématoire à Auschwitz
Il y a trois mille personnes dans la salle : hommes, femmes et enfants. Les soldats SS arrivent et déjà retentit l'ordre que, dans les dix minutes qui suivent, tout le monde soit complètement déshabillé. Des vieillards, des grands-pères, des grands-mères, des enfants, des épouses et des époux restent interdits de surprise. Des femmes pudiques et des jeunes filles s'interrogent du regard. Peut-être n'ont-elles pas bien compris les paroles allemandes. Elles ne peuvent y réfléchir longtemps, car l'ordre retentit, à nouveau réitéré, et cette fois le ton s' élève, il devient presque menaçant.
Ils ont un mauvais pressentiment et leur dignité même se révolte, mais avec la résignation qui est propre à leur race, ils apprennent qu'envers eux tout est permis. Lentement, ils commencent à se dévêtir. Les vieillards, les paralysés et les aliénés sont aidés par un groupe du Sonderkommando envoyé à cet effet. Dans dix minutes, tous sont complètement nus, leurs vêtements accrochés au portemanteau, ainsi que leurs chaussures attachées par les lacets. Quant au numéro de leurs portemanteau, ils l'ont bien enregistré.
Traversant la foule, un SS ouvre à deux battants la grande porte en chêne qui se trouve au fond de la salle. La foule s'écoule à travers cette porte dans une autre salle pareillement éclairée. Cette salle est de la même dimension que la précédente, mais on n'y voit point de bancs ni de portemanteaux. Au milieu de la salle, tous les trente mètres environ, une colonne monte du sol de béton jusqu'au plafond. Ce ne sont pas des colonnes de support, mais des tuyaux de forme carrée en tôle, et chacune de leurs faces présente de nombreuses perforations, comme un grillage.
Tout le monde est déjà entré. Un ordre rauque retentit : Que les SS et le Sonderkommando quittent la salle. Ils sortent et ils se dénombrent. Les portes se referment et les lumières sont éteintes de dehors .
A cet instant précis, un bruit de voiture se fait entendre. C'est une voiture de luxe pourvue de l'insigne de la Croix-Rouge internationale qui arrive. Un officier SS et un S.D.G. Senitätsdienstgefreiter (sous-officier du Service de Santé) en descendent. Le sous-officier tient dans ses mains quatre boîtes en tôle verte. Il avance sur le gazon où, chaque trente mètres, de courtes cheminées en béton jaillissent de terre. Après s'être muni d'un masque à gaz, il enlève le couvercle de la cheminée, qui est également en béton. Il ouvre l'une des boîtes et déverse son contenu - une matière granulée mauve - dans l'ouverture de la cheminée. la matière déversée est du cyclon ou du chlore sous forme granulée qui produit du gaz aussitôt en contact avec l'air. Cette substance granulée tombe au fond de la cheminée sans s'éparpiller et le gaz qu'elle produit s'échappe à travers les perforations et emplit au bout de quelques instants la pièce où les déportés sont entassés. En cinq minutes, il a tué tout le monde.
C'est ainsi que cela se passe pour chaque convoi. Des voitures de la Croix-Rouge apportent le gaz de l'extérieur. Il n'y en a jamais en stock dans le crématorium. C'est une précaution infâme, mais plus infâme est encore le fait que le gaz soit apporté par une voiture pourvue de l'insigne de la Croix-Rouge internationale.
Pour être sûrs de leur affaire, les deux bourreaux à gaz attendent encore cinq minutes. Puis ils allument une cigarette et s'éloignent dans leur voiture. Ils viennent de tuer trois mille innocents.
Source : Nyiszli Miklos. Médecin à Auschwitz. Editions René Julliard. 1961.
Auschwitz - Birkenau (Pologne)
L'usine de mort
Association fonds mémoire Auschwitz
L'album
d’Auschwitz est considéré comme étant la seule évidence visuelle du
processus d’extermination mis en place dans le camp d’Auschwitz - Birkenau
(Pologne).
Cet album est unique : il n’y a pas d’équivalent de la sorte dans le
monde. Il illustre, à l’aide d’environ deux cents photos, le processus
d’arrivée, “la sélection”, la confiscation des biens et la préparation
en vue de l’extermination d’un convoi juif à Auschwitz - Birkenau.