PRÉVENTION DES GÉNOCIDES

Prévention

La communauté internationale est seule en droit d'intervenir pour prévenir un génocide et c'est dans ce cadre qu'il faut examiner cette prévention. Si elle intervient dans l'urgence, lorsque les massacres ont commencé, il est bien souvent trop tard et pourtant, elle ne peut être sûre d'avoir levé une menace de génocide. Elle aura en tous cas la satisfaction d'avoir sauvé des vies. Si elle n'intervient pas et qu'un génocide est perpétré, elle est complice. Elle l'est tout autant, sinon plus, si le Conseil de sécurité a mis en place une force de dissuasion et qu'il la retire lorsque le génocide a commencé, ce qui s'est passé au Rwanda en avril 1994. A l'inverse, au Timor oriental, en 1998, la menace de génocide était réelle. Les milices massacraient et déportaient la population civile. La mise en place d'une force d'interposition, maintenue tant qu'elle serait nécessaire, a évité un massacre génocidaire, voire un génocide. Ce fut un succès, et il faut s'en inspirer pour penser la prévention dans l'urgence.

Au Kosovo, la problématique était différente. L'armée serbe et les milices serbes avaient un lourd passé criminel. Après Srebrenica, l'on pouvait craindre le pire, c'est-à-dire un génocide. Les massacres avaient commencé et les déportations d'Albanais étaient massives. Il était légitime d'intervenir. Mais l'occupation du Kosovo fit surgir un problème latent, en partie sous-estimé : la criminalité de l'UCK. Les francs-tireurs étaient, à leur tour, prêts à massacrer. La conclusion que l'on peut tirer de l'analyse de ces trois cas - Rwanda, Timor oriental, Kosovo -, qui se situent dans la dernière décennie du XX e siècle, est qu'en intervenant pour prévenir un massacre ou un génocide, on devient partie dans le conflit et que la force d'intervention doit être maintenue sur place jusqu'à ce que la menace soit réellement levée, dans ses multiples paramètres. En fait, il serait plus efficace de penser la prévention plus tôt, dès qu'un État viole les droits de l'homme.

Après la chambre à gaz, au camp d'extermination d'Auschwitz Birkenau

En 1982, Israel Charny et Chanan Rapaport avaient proposé de mettre en place un système d'alarme précoce - early warning system - qui permettrait de dépister le risque de survenue d'un meurtre collectif et qui fonctionnerait comme un appareil de contrôle physiologique, un biofeedback system, qui réagirait à un ensemble d'informations. Le principe fut retenu. Depuis, des instituts de prévention ont été créés, dont le premier fut l'International Alert de Leo Kuper. Je ne reviendrai pas sur ces réalisations dont Gregory Stanton fut, à maintes reprises, l'initiateur. De même, je ne détaillerai pas les indicateurs sociaux qui permettent de situer un environnement génocidaire et de révéler une transformation des mentalités rendant les membres d'une société coupables de participer à un génocide. Je me permettrai cependant de remarquer que les huit étapes du génocide, identifiées par le docteur Stanton, en complément des propositions initiales de Leo Kuper, ne correspondent pas toujours au déroulement d'un génocide. Ce sont des comportements criminels qui, loin de se succéder, s'interpénètrent dans le temps, voire se télescopent : l'extermination des Juifs allemands est redoutée dès 1933 et les stades se succèdent alors ; celle des Juifs d'Union soviétique commence dans les premiers jours de l'occupation.

On peut examiner dans cette perspective les deux cas les plus exemplaires des génocides du XX e siècle, le génocide des Juifs et celui des Arméniens. A partir du 30 janvier 1933, il était évident pour tout observateur qu'un régime potentiellement criminel avait pris le pouvoir en Allemagne. Bien avant les « lois scélérates » de septembre 1935, l'État nazi promulguait des décrets et des lois qui mettaient le droit national en infraction du droit naturel et du droit des gens. Comme les nazis refusaient toute ingérence, qu'ils avaient brisé toute opposition intérieure, qu'ils se préparaient ouvertement à réarmer, la seule solution pour éviter les catastrophes futures eût été d'intervenir de l'extérieur pour renverser ce régime, une hypothèse inconcevable dans le contexte politique de l'entre-deux-guerres. On ne pouvait donc empêcher ce qui s'est produit dès 1940 : l'action T4, qui annonçait la Shoah et le génocide des Tsiganes.

Génocide arménien

La communauté internationale, sous la forme précaire qu'elle avait alors, la Société des Nations, n'avait ni la volonté, ni les moyens d'empêcher le développement du monstre. Le cas du génocide arménien pose une autre question : celle de l'utilisation de l'ingérence comme prétexte politique. Dès la fin du XVIII e siècle, la Russie s'était donné, dans un traité, le droit d'intervenir dans l'Empire ottoman pour protéger les minorités orthodoxes.

Au cours du XIX e siècle, ce droit d'intervention fut étendu aux autres chrétiens de l'empire et il fut largement utilisé par les puissances européennes. Lors des massacres d'Arméniens en 1895 et 1896, le sultan dosa les massacres : il les interrompait lorsque les Puissances menaçaient d'intervenir. Le déclin, puis le morcellement de l'Empire ottoman, contribuèrent à l'émergence d'un nationalisme turc qui prit le pouvoir en 1908.

En dépit de ses promesses de tolérance, ce régime s'orienta rapidement vers un panturquisme fanatique. L'engagement de l'Empire ottoman au côté des Puissances centrales en novembre 1914 fournit aux Jeunes - Turcs l'occasion de régler définitivement la Question arménienne par l'extermination des Arméniens, ce qui fut fait en 1915 et 1916.

L'événement fut connu immédiatement. Mais c'était la guerre. L' Entente menaça les Jeunes-Turcs de traduire les coupables devant une cour pénale internationale ; l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie dénoncèrent le crime, pour la forme mais sans envisager de rompre une alliance nécessaire à leur stratégie d'isolement de la Russie.

Une analyse de la période 1878-1914 montre que les Puissances, qui représentaient alors les pouvoirs d'une communauté internationale, étaient divisées et que chacune préservait ses propres intérêts. Les alliances n'étaient que conjoncturelles et la décision d'intervention était pensée en fonction des intérêts de chaque nation. Dans ce contexte de cynisme politique, il n'y avait aucune chance de prévenir un génocide.

Mémorial du génocide cambodgien

La volonté commune des États est la condition préalable à une prévention, comme le souligne Gregory Stanton. Cette volonté suppose que l'éthique l'emporte sur le politique et que, lorsque la communauté internationale est confrontée à une menace de meurtre de masse, aucune considération politique ne puisse être avancée pour renoncer à amorcer un processus de prévention. La prévention la plus efficace serait la plus précoce, un système d'alerte qui recueillerait des indices puis les traiterait pour déterminer si un seuil critique a été franchi. Mais la première réaction ne saurait être une intervention militaire. Il y a d'autres instruments à utiliser avant d'en venir à cette solution extrême : d'abord la médiatisation, une dénonciation des violations des principes élémentaires sur lesquels repose la civilisation des droits de l'homme ; puis, devant la montée des périls et l'émergence d'États criminels, des pressions diplomatiques et des mesures de rétorsion économiques afin de contraindre ces États avant qu'il ne soit trop tard.

Ce n'est qu'après l'échec de ces moyens que l'intervention d'une force internationale peut être envisagée, mais il faut être clair sur son opportunité et conscient de ses limites. En effet, la menace de génocide ne doit servir ni de prétexte, ni de justificatif moral au déclenchement d'une entreprise militaire qui sert d'autres fins. D'autre part, les possibilités d'intervention sont limitées : on ne peut intervenir partout au même moment et on doit tenir compte du rapport de force. Il n'est pas possible d'empêcher de nuire un État qui dispose d'une puissance de feu supérieure à celle que l'on pourrait lui opposer et qui est résolu à l'utiliser.Extrait de l'Intervention d'Yves Ternon lors du colloque «Apprendre et se souvenir : Holocauste, génocide et crime d'Etat organisé au vingtième siècle», qui eut lieu à Berlin, du 12 au 15 mars 2003.

Le crime de génocide

Le crime de génocide, par le Professeur Raphaël Lemkin. Conseiller au Ministère de la Guerre U.S.A.

Perception prévention des génocides

Kofi Annan nomme en Juillet 2004, Juan Mendez au poste de conseiller spécial chargé de la prévention des génocides. Les territoires de la mémoire

Les territoires de la mémoire : Liens sur la prévention des génocides.

Alerte génocides

De la prévention des génocides

Débat thématique sur la prévention du génocide

Extrait : M.VALENCIA rodríguez déclare que les peuples vainqueurs ont de tous temps anéanti les vaincus, sans distinction de sexe, d’âge, de condition sociale, de race ou de situation économique. Nul ne sait au juste combien de millions d’Amérindiens ont péri à la suite de la découverte de l’Amérique et du processus de colonisation. Le même phénomène s’est produit enAfrique où les Noirs furent pourchassés afin d’être emmenés vers d’autres terres comme esclaves. De telles pratiques étaient admises par le droit et la religion car on considérait légitime que les peuples soidisant civilisés anéantissent les peuples dits sauvages, seule manière de leur inculquer les principes de leur civilisation et de leur religion. Comme l’a dit le Secrétaire général de l’ONU, le génocide est un nom nouveau pour un crime ancien, aussi vieux que l’histoire del’humanité.

Dans des temps plus récents, alors que le droit était considéré comme la seule norme devant régir la conduite des hommes, l’histoire nous apprend que des millions d’êtres humains Arméniens, Ukrainiens, Juifs, Tziganes, Slaves, Russes, Chinois, Ibos, Bengalis, Cambodgiens, Rwandais, NordCoréens, Burundais, Soudanais, Ougandais ont été victimes degénocides. EnAfrique et en Asie, on peut dire que ce crime est endémique. Sur le continent américain, en Amérique centrale et du Sud, des régimes militaires ont anéanti des millions d’êtres humains coupables de ne pas se soumettre à ces régimes ou de professer des idées opposées aux leurs.

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