LES JUSTES DE FRANCE

Qui sont les Justes ?

La Shoah, la nuit du monde et des consciences...

En honorant ceux qui ont refusé de se plier à la fatalité de la volonté exterminatrice de l´idéologie nazie, la médaille des Justes contribue à rétablir l´ Histoire dans sa vérité. Simone Veil

Porte de la mort du camp d'extermination d'Auschwitz Birkenau

Six millions de juifs, dont 1,5 million d'enfants, furent assassinés pendant la Shoah dans les pays occupés par l’Allemagne nazie.

Une grande partie de l’Europe est alors sous la domination nazie et la majorité des États et des peuples garde le silence sans intervenir et pire encore, certains collaborent avec les assassins.

Et cependant, des lumières d’humanité…

Et cependant, quelques-uns, au risque de leur propre liberté ou même de leur vie, tendent une main secourable pour sauver des enfants ou des familles juives..
Yad Vashem, le mémorial de la Shoah, en Israël avait identifié, au 1er janvier 2006, à travers toute l’Europe, plus de 21 000 personnes auxquelles un hommage est rendu dans le cadre d'un projet créé par une loi de 1963. Ce sont les Justes parmi les nations.



L’hommage aux Justes comme valeur d’exemple.


Yad Vashem estime que l'hommage rendu aux Justes des nations revêt une signification éducative et morale :

Israël a l'obligation éthique de reconnaître, d'honorer et de saluer, au nom du peuple juif, les non-juifs qui, malgré les grands risques encourus pour eux-mêmes et pour leurs proches, ont aidé des juifs à un moment où ils en avaient le plus besoin.

Les actes des Justes prouvent qu'il était possible d'apporter une aide. L'argument selon lequel l'appareil terroriste nazi paralysait les initiatives contraires à la politique officielle est démenti par l'action de milliers de personnes de tous les milieux qui ont aidé les juifs à échapper à la Solution finale.

Les personnes reconnues comme telles reçoivent la médaille des Justes et un certificat honorifique (remis à un proche en cas de reconnaissance posthume) ; en outre, leurs noms sont inscrits sur le Mur d'honneur du Jardin des Justes à Yad Vashem. C'est la distinction suprême décernée par l'Etat d'Israël à des non - juifs pour marquer la reconnaissance du peuple juif.

Quels sont les critères pour nommer les Justes parmi les nations ?

Les dossiers permettant d’établir la reconnaissance d'un Juste doivent établir, avec plusieurs témoignages concordants, des faits probants, tels que :

Avoir apporté une aide dans des situations où les juifs étaient impuissants et menacés de mort ou de déportation vers les camps de concentration.

Avoir été conscient du fait qu'en apportant cette aide, le sauveteur risquait sa vie, sa sécurité et sa liberté personnelle (les nazis considéraient l'assistance aux juifs comme un délit majeur).

N’avoir recherché aucune récompense ou compensation matérielle en contrepartie de l'aide apportée.

Rafle des Juifs de Marseille par les forces de police française et allemande du 22 au 27 janvier 1943.
source photo: Bundesarchiv-Coblence. Crédit photo: D.R.

L'aide apportée aux juifs a revêtu des formes très diverses ; elles peuvent être regroupées comme suit :

Héberger un enfant ou une famille chez soi, ou dans des institutions laïques ou religieuses, à l'abri du monde extérieur et de façon invisible pour le public.

Aider un juif à se faire passer pour un non-juif en lui procurant des faux papiers d'identité ou des certificats de baptême (délivrés par le clergé afin d'obtenir des papiers authentiques).

Aider les juifs à gagner un lieu sûr ou à traverser une frontière vers un pays plus en sécurité, notamment accompagner des adultes et des enfants dans des périples clandestins dans des territoires occupés et aménager le passage des frontières.

Adopter temporairement un enfant juif pendant la durée de la guerre.

Qui sont les Justes parmi les nations ?

Certains sauveteurs furent des hommes d'église qui considéraient la résistance au nazisme et l'aide aux juifs victimes du génocide nazi comme un impératif religieux.

D’autres étaient animés des idéaux humanitaires, d’autres encore révoltés par ce que leurs fonctions pouvaient les amener à commettre, comme de nombreux policiers ou gendarmes.

Certains fonctionnaires et diplomates ont reçu eux aussi le titre de Justes parmi les nations :

Angelos Evert, qui directeur de la police d'Athènes pendant l'occupation allemande de cette ville, Paul Grüninger, commandant de la police suisse de Saint-Gall, Aristides de Sousa Mendes, le consul général du Portugal à Bordeaux, Carl Lutz, ambassadeur Suisse à Budapest, Sempo Sugihara, consul général du Japon en Lithuanie et de nombreux autres, dont Raoul Wallenberg, Consul de Suède en Tchécoslovaquie.

Des Allemands, militaires ou des civils employés dans les pays occupés, ont su dire « non » aux exactions de leurs dirigeants, méritant ainsi, au péril de leur vie, le titre de Justes parmi les nations.

Il faut enfin mentionner un Pays et deux communautés qui ont reçu cette distinction :

Le Danemark, et ses mouvements de résistance, ont sauvé la quasi totalité de la communauté juive du pays (environ 7 200 personnes sur un total estimé à 8 000), au cours d'une seule opération en octobre 1943, en l'évacuant subrepticement par le détroit d'Oresund séparant le Danemark de la Suède.

Aux Pays-Bas, le village de Nieuwlande, dans la province de la Drente.

Dans la région montagneuse du sud de la France, la communauté protestante du Chambon-sur-Lignon.

www.yadvashem-france.org

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LES JUSTES : CEUX QUI AIDÈRENT LES JUIFS DANS L'EUROPE NAZIE

Au coeur de cette catastrophe génocidaire que constitue la Shoah, au cours de laquelle les quatre cinquièmes de la communauté juive d'Europe allaient périr, il se trouva quelques non - juifs qui aidèrent les Juifs au péril de leur vie. Ils ne représentent qu'une infime fraction de ceux qui auraient pu aider, guère plus de 0,5% de la population sous domination nazie, et c'est là une estimation sans doute généreuse. Leur importance transcende pourtant leur signification numérique. De même que les auteurs de crimes contre l'humanité nous rappellent le potentiel humain à faire le mal, que les spectateurs ou témoins nous alertent sur notre tendance humaine à la passivité face au mal, les Justes, ceux qui tentèrent d'aider les juifs, nous rassurent sur nos aptitudes au courage et à la vertu.

Comment firent-ils pour transcender la tyrannie et le climat antisémite de l'époque, pour conserver intacte leur humanité ? La réponse à cette question nous donnerait peut-être la clef qui nous permettrait de faire avorter les génocides avant qu'ils ne naissent. C'est pourquoi les chercheurs se sont penchés sur le cas de ces Justes. Qui étaient-ils ? Que firent-ils ?

On trouve des sauveurs de Juifs dans tous les pays sous occupation nazie, de tous les horizons : riches, pauvres, croyants, laïques, catholiques, protestants, hommes, femmes, jeunes, âgés, cultivés, non cultivés. Quelques-uns d'entre eux, comme Oskar Schindler et Raoul Wallenberg, sont désormais célèbres. Mais la plupart sont inconnus du grand public, même si plusieurs d'entre eux sont honorés au mémorial Yad Vashem de Jérusalem, ainsi que dans leurs propres pays. Les Justes furent des êtres ordinaires qui agirent de façon extraordinaire. A leurs yeux, pourtant, ils ne firent rien d'autre que ce qu'ils considéraient comme juste et normal.

Que firent-ils ? Au fur et à mesure que les Juifs se virent privés de leurs droits, coupés du reste de la communauté, isolés, les Justes leurs apportèrent le réconfort moral et matériel. Quand on les enferma dans les ghettos et des camps, les Justes les aidèrent à s'évader et à fuir vers un pays étranger. Quand il apparut qu'ils allaient être exterminés, les justes les aidèrent à rester en vie, les soutenant dans la clandestinité, les hébergeant souvent chez eux, du moins pendant un certain temps.

Toutes ces formes d'aide étaient passibles de mort selon les lois imposées par les nazis. Outre ce danger très réel, les Justes prirent d'autres risques. Condamnés au secret absolu pour préserver ceux qu'ils aidaient, ils durent user du mensonge. Certains aidèrent les victimes à se constituer une nouvelle personnalité, en leur permettant d'obtenir ou en faisant eux-mêmes de faux papiers et en leur apprenant à se comporter comme des Aryens. Il fallait aussi trouver des cachettes ou en aménager, assurer un approvisionnement de nourriture. Certains choisir de se couper de leur famille et de leurs amis pour éviter de trahir des secrets de façon accidentelle. D'autres sollicitaient l'aide de leurs enfants aînés tout en mentant aux plus jeunes au cas où ces derniers parleraient des étrangers vivant sous leur toit. On ne pouvait être sûr de personne, il fallait être constamment sur ses gardes.

Les sauveurs dont nous parlons n'étaient pas payés pour tout ce qu'ils faisaient. Ils prenaient de gros risques, pour eux-mêmes et pour leurs familles. Ils opéraient dans une société qui, au mieux, considérait les Juifs avec ambivalence et qui, au pire, était violemment antisémite. Les dénonciations par les voisins ou les amis n'étaient que trop fréquentes. Ils ne pouvaient donc pas s'attendre à l'approbation, même s'ils avaient osé en parler à quelqu'un. La récompense viendra plus tard, non seulement sous forme de reconnaissance officielle, mais aussi par le respect et l'admiration que leur voueront leurs enfants en apprenant leurs activités antinazies. Mais tout cela, ils ne pouvaient pas le savoir à l'époque.

Alors, pourquoi prirent-ils tant de risques ? A cause d'un concours de circonstances, parce qu'ils se trouvaient au bon endroit au bon moment ? Auraient-ils été témoins de plus d'actes d'atrocités envers les Juifs ? Disposaient-ils d'informations dont ne disposaient pas les non - sauveurs ? Prenaient-il relativement peu de risques, du fait de leur profession, de leurs relations, ou du lieu où ils vivaient ? Disposaient - ils de ressources financières qui leur permettaient d'aider sans trop de difficultés, vivaient-il dans de grandes maisons, où ils pouvaient héberger les victimes plus aisément ? Vivaient - ils à proximité de membres de leur famille qui pouvaient les aider ?

Sur tous ces points, les sauveurs ne différaient absolument pas des non - sauveurs. Ils n'en savaient ni plus ni moins ; leurs ressources, le facteur risque étaient identiques à ceux des non - sauveurs. Ce que l'on sait, pourtant, c'est que les victimes, la famille, les amis, des personnes qu'ils respectaient sollicitèrent l'aide des Justes plus souvent qu'ils ne sollicitèrent l'aide de non - sauveurs. On, peut se demander si plus de non - sauveurs auraient-ils aidé si on les avait sollicités. Mais bien sûr, on peut aussi se demander pourquoi on ne les sollicita pas.

Les circonstances extérieures peuvent parfois faciliter les choses, mais c'est au niveau de la personnalité que se situe la différence essentielle. C'est sur ce point que les sauveurs et les non - sauveurs se différencient le plus, ainsi que sur des questions de valeur, les leurs et celles de leurs parents.

Les sauveurs portent un regard plus ouvert sur autrui. Ils ont souvent des liens plus forts avec les autres. Les relations familiales sont très resserrées, et ils ont une vision plus fraternelle de la société, choisissant de mettre l'accent sur ce qui les rapproche des autres, y compris les Juifs, plutôt que sur ce qui les différencie. Leurs parents avant eux attachaient de l'importance à l'aide qu'ils pouvaient apporter aux autres et ils élevèrent leurs enfants dans cet esprit. L'éducation parentale était fondée sur la tolérance ; les châtiments corporel étaient rares. En retour, les parents attendaient beaucoup de leurs enfants, surtout dans le domaine du dévouement aux autres. Ils étaient tolérants envers les autres, peu portés aux stéréotypes, plus enclins à la générosité dans leurs propos. Solidement ancrés dans leur milieu familial, les sauveurs font davantage confiance aux autres que les non - sauveurs ; leur propre sentiment de sécurité affective leur permet de prendre des risques plus facilement.

C'est cet ensemble de caractéristiques, une générosité gratuite envers les autres, qui les prédispose à l'altruisme. Mais cette prédisposition ne suffit pas. Ce qui les poussa souvent à aider les Juifs, c'est une forte empathie pour les personnes qui souffrent, les valeurs partagées avec ceux qui comptent pour eux (famille, amis, communauté religieuse), une aptitude à évaluer la situation de façon indépendante.

Les sauveurs, tous ceux qui, de façon générale, aident les autres, ont appris à être altruistes. Et c'est cela qui invite à l'optimisme, dans la mesure où cela supposerait que nous pouvons apprendre aux êtres humains à se sentir solidaires des autres, à éprouver des devoirs envers les autres. La vie de ces Justes est riche en enseignements. Que ce soit au niveau individuel ou collectif, nous devons faire en sorte que tout soit mis en oeuvre pour favoriser ce sentiment de solidarité et de devoir envers les autres.

Source : Samuel P.Oliner et Pearl M.Oliner, article dans l'encyclopédie Le livre noir de l'humanité. Encyclopédie mondiale des génocides. P.570, 573. Éditions Privat. 2001.

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