MISE EN PLACE DE LA SOLUTION DÉFINITIVE DE LA QUESTION JUIVE

Trois hommes conçurent le projet de génocide, Hitler, Himmler et Heydrich. Ces deux derniers tenaient secret le plan d'extermination contrairement à Hitler qui, notamment dans un discours prononcé en juin 1939 et reproduit dans la presse allemande, ne masquait pas ses intentions funestes et formulait ouvertement des menaces de génocide.

"J'ai souvent été prophète dans ma vie et, la plupart du temps, on s'est moqué de moi. A l'époque où je luttais pour conquérir le pouvoir, ce furent les Juifs qui tournèrent en dérision les paroles par lesquelles j'annonçais que je prendrais un jour la direction de l'État et par conséquent de la nation toute entière et que je résoudrais entre autres, la Question juive. Je crois que, depuis, le ricanement d'hyène qu'ont fait entendre alors les Juifs d'Allemagne s'est étranglé dans leur gorge. Aujourd'hui, je serai prophète une fois de plus. Si la juiverie internationale à l'intérieur et à l'extérieur de l'Europe réussissait de nouveau à plonger les nations dans une guerre mondiale, il s'ensuivrait non pas la bolchevisation de la terre et, partant, la victoire de la juiverie mais l'anéantissement (vernichtung) de la race juive dans toute l'Europe".

Himmler et Heydrich

L'idée du génocide se concrétisa incontestablement avec la pénétration des forces nazies à l'Est où la plus importante concentration de Juifs européens se trouvait sur la route des armées allemandes."Les première persécutions de Juifs commencèrent en même temps que furent prises des mesures économiques et sociales ayant pour but de les déposséder et de les exiler ou encore de les transférer dans des ghettos installés sur des territoires polonais nouvellement conquis. Ces expulsions furent assurées avec une telle brutalité et une telle incompétence que de nombreuses victimes moururent au cours de l'opération qui eut lieu pendant le rigoureux hiver de 1939-1940. Mais il ne s'agissait pas encore d'un génocide organisé.

Néanmoins, en Pologne, l'action fut menée avec une férocité implacable. En Allemagne, les juifs n'avaient jamais représenté qu'un centième de la population. En Pologne, la proportion s'élevait à 10% soit 3 300 000 dont 1 300 000 se trouvaient en zone d'occupation russe et 2 millions sur les territoires conquis. Ces derniers furent expulsés de la partie Est de la Pologne incorporée au Reich pour être installés dans les ghettos situés dans la zone centrale, connue sous le nom de Gouvernement général. Ils y vécurent dans des conditions effroyables en attendant que le programme d'extermination soit au point. Selon Raul Hilberg, plus d'un million de Juifs polonais périrent dans les ghettos et dans les camps de travail avant que l'anéantissement systématique de leurs coreligionnaires ait été entrepris dans les centres d'extermination.

Meurtres perpétrés par les Einsatzgruppen dans la région de Kiev en 1942

Mais auparavant les Groupes d'Action spéciaux de Himmler, les Einsatzgruppen, organisés en Russie par Heydrich , furent créés pour mettre à exécution le plan d'extermination massive. Ils furent responsables du massacre de plus d'un million de Juifs et de Slaves. Ce génocide fut perpétré ouvertement, au vu et au su des officiers et des soldats servant dans l'armée allemande.

Le plan, qui prévoyait la destruction complète des 10 millions de juifs d'Europe dans les meilleurs délais, commença à être exécuté en 1941. Il existe naturellement peu de documents relatifs à ce projet. De même, aucun ordre écrit portant la signature de Hitler ou authentifié par son entourage immédiat n'apporte la preuve que le Fürher ait réellement décidé d'adopter la "solution définitive". En d'autres termes, aucun décret concernant l'anéantissement des Juifs n'a été retrouvé. Mais, bien que la décision de Hitler n'ait été sans doute pas été couchée sur le papier, il est possible de suivre ses conséquences d'après les directives à demi voilées émanant de Goering de Himmler ou de leurs agents, entre mars et juillet 1941.

C'est le 31 juillet que Goering choisissant ses termes avec le plus grand soin, adressa à Heydrich la célèbres directive qui fut produite lors du Procès de Nuremberg, en Novembre 1946.

Goering

"Pour compléter la tâche qui vous a été assignée le 24 janvier 1939, concernant le règlement de la question juive par l'évacuation et l'émigration, selon les moyens qui correspondent le mieux à la situation actuelle, je vous enjoins par la présente d'entreprendre tous les préparatifs d'ordre matériel, économique et financier concernant une "solution définitive" (Gesamt-losung) du problème juif dans ceux des territoires européens qui se trouvent sous l'influence de l'Allemagne...

"Je vous charge en outre de me soumettre dès que possible un résumé indiquant les mesures déjà prises en vue de l'exécution de la "solution finale" (Endlösung) de la question juive, telle qu'elle a été envisagée."

LA CONFÉRENCE DE WANNSEE

La villa Marlier, parfois appelée villa de Wannsee, est une propriété située dans le quartier berlinois de Wannsee, en Allemagne

La date précise de la décision de mettre en œuvre la "Solution finale" par les Nazis n'est pas connue. Certains historiens pensent qu'il y avait eu plusieurs décisions, notamment au cours du printemps, été et automne 1941.

Le génocide des Juifs fut le point culminant d'une décennie de politique nazie, impulsée par Adolf Hitler. Une étape importante fut franchie le 20 janvier 1942, date à laquelle fut évoquée l'organisation de la mise en application de la "solution finale" sur l'ensemble de l'Europe. Cette réunion fut organisée par Adolf Eichmann, sur les instructions de Reinhard Heydrich, l'adjoint d'Heinrich Himmler et le directeur de l'Office central de sécurité du Reich. Outre Heydrich, quatorze hauts fonctionnaires du Parti nazi et de l'administration allemande se réunissaient dans une villa réquisitionnée par l'Office central de sécurité du Reich, dans la banlieue de Berlin, au bord du lac de Wannsee. C'étaient des représentants des ministères de l'Intérieur, de la Justice, des Affaires étrangères, des territoires occupés et de la Chancellerie du Reich. Du côté S.S., Müller et Eichmann représentaient les Services de la Sécurité, et les colonels S.S. Schoengarth et Lange ceux de la Police.

Adolf Eichmann est nommé à la tête de la section d'Affaires juives de la Gestapo (IVB4). Il sera plus tard responsable de la mise en place de la Solution Finale.

Les procès-verbaux officiels de la Conférence de Wannsee ont été conservés. Ils portent naturellement le cachet "ultra secret". Le compte rendu de la réunion fut rédigé en trente exemplaires. L'un d'entre eux sera retrouvé après la guerre au ministère des Affaires étrangères. La conférence de Wannsee reste le symbole du caractère bureaucratique de la Shoah.

En ouvrant la séance, Heydrich déclara que Goering lui avait donné pleins pouvoirs pour préparer la "solution définitive" de la question juive dans les territoires européens et que la Conférence avait pour but de "résoudre les problèmes fondamentaux de la "solution définitive". Les procès-verbaux sont rédigés dans un style officiel qui cache la signification réelle de la terminologie et des mots employés. Eichmann déclara plus tard que la Conférence n'avait pas duré longtemps et que des ordonnances étaient venues servir du cognac pour célébrer cet événement au cours duquel, après avoir exposé leurs points de vue divergents, tous les représentants des différents départements s'étaient si facilement mis d'accord.

La signification véritable de cette réunion, connue sous le nom de Conférence de Wannsee, reste débattue par les historiens. S'agissait-il de coordonner et de discuter de la mise en œuvre de la Solution finale entre les grandes administrations allemandes, ou d' "officialiser" une décision qui avait été prise précédemment ? En effet, cette réunion n'était pas la première de ce type, une semblable l'avait précédée et une autre sera organisée quelques mois plus tard. La seule certitude, c'était que Reinhard Heydrich tint cette réunion pour mettre au courant les membres clés des rouages ministériels allemands, dont les ministres des Affaires étrangères et de la Justice. En effet, leur coopération était vitale pour la mise en oeuvre des mesures d'extermination.

Les Alliés et la Solution finale

Des hommes courageux ont bravé toutes les difficultés pour tenter de prévenir les Alliés. Ainsi le résistant chrétien Kurt Gerstein, entré dans la SS pour la combattre de l'intérieur, qui tente d'alerter le monde dès l'été 1942 sur les gazages qu'il a vu en personne à Belzec, et qui se suicide en 1945. Ainsi Jan Karski, délégué à Londres par la résistance polonaise. Depuis la Suisse, le télégramme Riegner du 8août1942 informe Londres et Washington de la Solution finale en cours. De façon générale, ces informations n'ont pas ou peu été crues, et n'ont suscité aucune réaction particulière des gouvernements et des opinions des pays alliés. Même des organisations juives ont refusé de croire les chiffres et les descriptions qui leur étaient faites de la machine de mort nazie.

Samuel Zygelbojm, représentant du Bund auprès du gouvernement polonais en exil à Londres, se donne la mort le 11mai1943: «Par ma mort, je voudrais, pour la dernière fois, protester contre la passivité d’un monde qui assiste à l’extermination du peuple juif et l’admet».

L'incrédulité pouvait s'expliquer par le souvenir des excès de la propagande et du «bourrage de crâne» sous la Grande Guerre. Au-delà, elle a été encouragée par l'absence de précédent comparable et par le caractère inouï et impensable du crime.

Les informations sur l'extermination des Juifs ont aussi circulé dès 1941 et surtout 1942 à la BBC, dans la presse anglo-saxonne et jusque dans une partie de la presse clandestine des pays occupés. Mais elles se mêlaient sans traitement spécifique à d'autres récits d'atrocités et à l'évocation d'autres enjeux et problèmes.

Les Alliés n'ont pas non plus toujours conscience de la spécificité du sort qui frappait le peuple juif. Ils n'ont dès lors pas voulu donner l'impression qu'ils privilégiaient une catégorie de victime par rapport à une autre. Winston Churchill, dont les services pouvaient déchiffrer les messages codés allemands grâce au système Enigma, savait dès l'été 1941 que les Einsatzgruppen massacraient systématiquement les Juifs soviétiques, mais dans ses discours publics, il dénonça ces horreurs sans jamais mentionner le caractère juif des victimes.

Les Anglo-Saxons, sans parler des Soviétiques, n'ont pas non plus voulu donner l'impression qu'ils faisaient la guerre pour les Juifs, de peur notamment des réactions antisémites d'une partie de leur population. En URSS, l'antisémitisme traditionnel et le regain de nationalisme voire de chauvinisme suscité par la lutte contre l'Allemagne ne laissait guère de place à l'évocation spécifique du sort des Juifs. Aux États-Unis, une poussée d'antisémitisme dans l'opinion (certains taxaient le New Deal de Roosevelt de Jew Deal). Mais de manière plus générale, c'est aussi que l'attention des populations, attachés à survivre ou à gagner la guerre, n'était pas disposée à faire une priorité du sort d'une minorité (1% de la population de France, 10% de celle de Pologne). «Sauf dans l’esprit d’une poignée de dirigeants nazis, les Juifs n'[ont] pas été l’enjeu de la Seconde Guerre mondiale

En décembre1942 la quasi-totalité des gouvernements alliés font une déclaration commune solennelle contre le massacre des Juifs en Europe, et préviennent les responsables qu'ils seront poursuivis. Moins explicitement, le pape Pie XII dénonce dans son message radio de Noël la mort des innocents qui ont été voués à la mort en raison de leur seule race. Mais en 1943-1944, ces déclarations sont beaucoup plus rares ou inexistantes, alors que l'extermination continue à battre son plein.

D'abord absorbés par la poursuite d'objectifs militaires, les Alliés semblent avoir pensé que la fin rapide de la guerre était la meilleure manière d'arrêter la persécution, sans saisir que le rythme industriel du massacre risquait de ne laisser que peu de Juifs encore en vie à la victoire. En 1944, au plus fort de la déportation des Juifs de Hongrie, Churchill se montre favorable à un bombardement sur les rails et les chambres à gaz d'Auschwitz, mais veut consulter d'abord les Américains: le projet est facilement bloqué à un niveau gouvernemental inférieur, sans même parvenir à Roosevelt. Que le bombardement d'Auschwitz ait pu ou non changer quoi que ce soit au sort des victimes, le fait est que son enjeu moral intrinsèque n'a guère été perçu, ni le silence des Alliés rompu.

Dans l'ensemble, la passivité et l'indifférence ont prévalu, sans conscience de la gravité exceptionnelle du crime en cours.

Du 19 au 30avril1943, ainsi, la conférence qui se tient aux Bermudes sur l’aide possible aux Juifs d’Europe a lieu loin de tout et de tous, sans qu'aucune organisation juive ne soit représentée, ni les conférenciers, aucun pouvoir de décision mais juste de recommandation. Elle s'en tient à des paroles. Le département d' État américain, dirigé par Cordell Hull, se montre d'une passivité particulièrement accablante, alors que les rapports officiels et officieux lui parviennent depuis 1942.

Le ministre Henry Morgenthau, lui-même d'origine juive, n'ose pas intervenir longtemps en faveur des Juifs d'Europe, de peur d’être taxé de partialité. Mais c'est son rapport explosif de janvier 1944 contre l'inaction du département d'État qui fait tardivement réagir Roosevelt: le 22janvier1944, le président américain fonde le War Refugee Board (Bureau des réfugiés de guerre), dirigé par John Pehle. En 18mois, le WRB sauvera des dizaines de milliers de personnes. Son envoyé en Roumanie, Ira Hirschmann, réussit à faire libérer les 48000Juifs survivants de Transnistrie et à les faire partir en Turquie. Iver Olsen depuis la Suède fait sauver de nombreux survivants des pays Baltes et dépêche à Budapest Raoul Wallenberg. Il reste permis de se demander combien d'autres personnes auraient pu être sauvées si la prise de conscience et la volonté d'agir avaient été plus précoce.

Source : Site sur la Shoah

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Le document présent est un exemplaire du procès-verbal rédigé par Adolf Eichmann et adressé au sous-secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, Luther, qui avait participé à la planification de la solution finale de la question juive sous l'angle diplomatique depuis 1941, faisant le compte-rendu de la conférence de Wannsee, qui s'est déroulée le 20 janvier 1942.

PROTOCOLE DE LA CONFÉRENCE DE WANNSEE


20.1.1942
Classé secret du Reich
30 exemplaires
Exemplaire no. 16 I

Le 20 janvier 1942 à Berlin, Am Großen Wannsee no. 56-58, a eu lieu une conférence sur la solution finale de la question juive, à laquelle ont pris part :

Gauleiter Dr. Meyer et Reichsamtsleiter Dr. Leibbrandt, Ministère du Reich des Territoires occupés de l'Est (Reichsministerium für die besetzten Ostgebiete)
Secrétaire d'État Dr. Stuckart, Ministère de l'Intérieur du Reich Reichsinnenministerium)
Secrétaire d'État Neumann, Délégué du Plan de quatre ans (Beauftragter für den Vierjahresplan)
Secrétaire d'État Dr. Freisler, Ministère de la Justice du Reich Reichsjustizministerium)
Secrétaire d'État Dr. Bühler, Bureau du Gouvemeur général(Amt des Generalgouverneurs)
Sous-secrétaire d'État Luther, Ministère des Affaires étrangères
SS-Oberführer Klopfer, Chancellerie du Parti (Partei-Kanzlei)
Directeur ministériel Kritzinger (Ministerialdirektor)
Chancellerie du Reich (Reichskanzlei)
SS-Gruppenführer Hofmann, Bureau central des races et de l'implanation (Rasse- und Siedlungshauptamt)
SS-Gruppenführer Müller SS-Obersturmbannführer Eichmann, Bureau central de la Sûreté du Reich (Reichssicherheitshauptamt)
SS-Oberführer Dr. Schöngarth, Commandant de la Police de Sécurité et du Service de Sûreté pour le Gouvernement général Police de Sécurité et du Service de Sûreté (SD) (Sicherheitspolizei und SD)
SS-Sturmbannführer Dr. Lange, Commandant de la Police de Sécurité et du Service de Sûreté pour le district de Lettonie, représentant le commandant de la Police de Sécurité et du Service du commissariat du Reich pour les régions de l'Est
Police de Sécurité et du Service de Sûreté (SD) (Sicherheitspolizei und SD)

II

Le chef de la police de sécurité et du SD, I'Obergruppenführer SS Heydrich, fit part en ouverture de la mission qui lui était confiée par le Maréchal du Reich en vue de la préparation de la solution finale de la question juive en Europe, et indiqua que L'objectif de cette réunion était de clarifier les questions de fond. Le souhait du Maréchal du Reich de se voir présenter un projet d'organisation, de déroulement et de conditions matérielles dans la perspective de la solution finale de la question juive en Europe, exigeait au préalable une harmonisation de toutes les instances centrales directement concernées par ces questions, dans la perspective d'une conduite parallèle de I'orientation des actions.

La responsabilité du traitement de la solution finale de la question juive relève, sans considération des frontières géographiques, du Reichsführer SS et chef de la police allemande (chef de la police de sécurité et du SD).

Le chef de la police de sécurité et du SD donna alors une brève rétrospective du combat mené jusqu'alors contre cet adversaire. Les temps forts en furent:

a) le refoulement des Juifs hors du territoire d'implantation du peuple allemand,

b) le refoulement des Juifs hors de I'espace vital du peuple allemand.

Pour accomplir ces efforts, la seule solution alors possible fut provisoirement de renforcer et de planifier I'accélération de l'émigration des Juifs hors des territoires du Reich.

Sur ordre du Maréchal du Reich, une direction centrale du Reich pour Identification des Juifs fut créée en janvier 1939, et sa direction confiée au chef de la police de sécurité et du SD. Elle avait pour missions spécifiques:

a) de prendre toutes mesures pour préparer une émigration renforcée des Juifs,

b) de diriger les flux d'émigration,

c) d'accélérer au cas par cas I'application des procédures d'émigration.

L' objectif était de nettoyer des Juifs I' espace vital allemand en toute légalité.

Tous les services étaient conscients des difficultés provoquées par une telle précipitation de I'émigration. Il fallut bien d'abord s'en accommoder, faute de toute autre solution.

Par la suite, les tâches relatives à l'émigration ne furent plus seulement un problème allemand, mais aussi un problème dont les autorités des pays de destination, éventuellement d'immigration, eurent à s'occuper. Des difficultés financières, comme la hausse, par les différents gouvernements étrangers, des taxes d'entrée et de débarquement, mais aussi le manque de place sur les bateaux, le renforcement croissant des limitations, voire des interdictions d'immigration, compliquèrent énormément les efforts d'émigration. Malgré ces difficultés, 53.000 Juifs furent amenés à émigrer entre la prise du pouvoir et le 31 octobre 1941, dont:


depuis le 30 janvier 1933, environ 360.000 du Reich,


depuis le 15 mars 1938, environ 147.000 des Marches de I'Est,


depuis le 15 mars 1939, environ 30.000 du protectorat de Boheme-Moravie.

L'émigration fut financée par les Juifs, voire par leurs organisations politiques. Pour éviter que les Juifs prolétaires restent, on fit en sorte que les Juifs fortunés financent le départ des autres ; un prélèvement, une taxe à l'émigration fixée en fonction de la fortune, servit à couvrir les frais de I'émigration des Juifs pauvres.

En plus des rentrées en Reichsmark, des devises furent exigées pour le paiement des taxes d'entrée et de débarquement. Pour préserver le fonds allemand de devises, les institutions financières juives internationales furent appelées, par l'intermédiaire des organisations juives de l'intérieur, à pourvoir au recouvrement des sommes correspondantes en devises. Au total, jusqu'au 30 octobre 1941, les Juifs étrangers ont ainsi fourni, par voie de donation, 9.500.000 dollars.

Depuis, le Reichsführer SS, chef de la police allemande, a interdit l'émigration des Juifs, en raison des dangers de l'émigration en temps de guerre, et en considération des nouvelles possibilités a l'est.

III

Désormais, à la place de l'émigration, la prochaine solution à envisager, avec l'aval préalable du Führer, est l'évacuation des Juifs vers l'est.
Ces actions sont toutefois à considérer uniquement comme des solutions transitoires, mais qui nous permettront d'acquérir des expériences pratiques qui seront très précieuses pour la solution finale à venir de la question juive. Au cours de la solution finale de la question juive en Europe, seront à prendre en considération environ 11 millions de Juifs, répartis comme suit dans les différents pays:

Pays

Nombre
A.Allemagne : 131 800
Autriche : 43 700
Territoires de l'Est :420 000
Gouvernement Général : 2 284 000
Bialystok : 400 000
Protectorat de Bohème et Moravie 74 200
Estonie : libre de Juifs
Lettonie : 3 500
Lituanie : 34 000
Belgique : 43 000
Danemark : 5 600
France / territoires occupés : 165 000
France / territoires non occupés : 700 000
Grèce : 69 600
Pays-Bas : 160 800
Norvège : 1 300
B.Bulgarie :48 000
Angleterre : 330 000
Finlande : 2 300
Irlande : 4 000
Italie, Sardaigne incluse : 58 000
Albanie : 200
Croatie :40 000
Portugal : 3 000
Roumanie, Bessarabie incluse : 342 000
Suède : 8 000
Suisse : 18 000
Serbie : 10 000
Slovaquie : 88 000
Espagne : 6 000
Turquie (partie européenne) : 55 500
Hongrie : 742 800
URSS : 5 000 000
Ukraine : 2 994 684
Russie blanche, Bialystok exclue : 446 484

Total : plus de 11 000 000


Le nombre des Juifs indiqué dans les différents pays étrangers est toutefois celui des Juifs religieux, la définition des Juifs selon des critères raciaux étant partiellement absente dans ces pays. Le traitement du problème se heurtera dans chaque pays à certaines difficultés dues à I'attitude et à l'état d'esprit des populations, notamment en Hongrie et en Roumanie. En Roumanie par exemple, un Juif peut, aujourd'hui encore, acheter des papiers attestant officiellement une nationalité étrangère.

En URSS, I'influence des Juifs sur tous les territoires est bien connue. Cinq millions de Juifs environ vivent dans la partie européenne, à peine 250.000 dans la partie asiatique.

La répartition par profession des Juifs de la partie européenne de l'URSS est environ la suivante:

Agriculture = 9.1 %
Travailleurs urbains = 14.8 %
Affaires = 20.0 %
Employés d'état = 23.4 %
Occupations privées comme profession médicale, presse, théâtre, etc. = 32. 7%

Au cours de la solution finale, les Juifs de I' Est devront être mobilisés pour le travail avec I'encadrement voulu. En grandes colonnes de travailleurs, séparés par sexe, les Juifs aptes au travail seront amenés à construire des routes dans ces territoires, ce qui sans doute permettra une diminution naturelle substantielle de leur nombre.

Pour finir, il faudra appliquer un traitement approprié à la totalité de ceux qui resteront, car il s'agira évidemment des éléments les plus résistants, puisqu' issus d' une sélection naturelle, et qui seraient susceptibles d'être le germe d'une nouvelle souche juive, pour peu qu'on les laisse en liberté (voir l'expérience de l'histoire).

Au cours de l'exécution pratique de la solution finale, l'Europe sera passée au peigne fin d'ouest en est. L'opération débutera sur le territoire du Reich, y compris les protectorats de Bohème et de Moravie, à cause de la situation du logement et de la spécificité sociopolitique du Reich.

Les Juifs évacués passeront d'abord, convoi par convoi, par des ghettos de transit, et de là seront transportés plus à loin à l'est.

L'Obergruppenführer SS Heydrich poursuivit en précisant qu'une des conditions importantes pour la bonne marche de l'évacuation des Juifs était de fixer exactement le groupe des personnes concernées.

Il n'est pas prévu d'évacuer à l'est les Juifs de plus de 65 ans, mais de les transférer dans un ghetto de vieillards - vraisemblablement à Theresienstadt.

En plus de cette tranche d' âge - parmi les 280.000 Juifs résidant en Allemagne et en Autriche au 31 octobre 1941, environ 30 % ont plus de 65 ans -, les Juifs grands invalides de guerre et ceux qui portent une décoration militaire (EK l) y seront accueillis. Cette solution appropriée permettra de couper court aux nombreuses interventions prévisibles.

Le commencement des plus grandes opérations d'évacuation dépendra largement de l'évolution de la situation militaire En ce qui concerne le traitement de la solution finale dans les territoires européens occupés ou sous influence, il à été proposé que les responsables concernés du Ministère des Affaires étrangères se concertent avec le chef de section compétent de la police de sécurité et du SD.

L'affaire n'est pas plus difficile en Slovaquie et en Croatie, puisque les questions essentielles à régler dans cette perspective ont déjà trouvé une solution. En Roumanie, le gouvernement à nommé un chargé de mission pour les questions juives. Pour régler la question en Hongrie, il faut imposer au plus vite au gouvernement un conseiller pour les questions juives.

En raison de l'accueil réservé aux préparatifs de règlement du problème en ltalie, l'Obergruppenführer SS Heydrich estima qu'il convenait, dans cette affaire, d'établir un contact avec le chef de la police.

En France occupée et non occupée,le recensement des Juifs pour l'évacuation sera effectué, selon toute vraisemblance, sans grande difficulté.

À ce sujet, le sous-secrétaire d'État Luther fit remarquer que le traitement approfondi du problème rencontrerait des difficultés dans quelques pays, comme les États du nord, et par conséquent, il était recommandé, pour le moment, de laisser ces pays en suspens.

Si l'on considère le nombre restreint de Juifs concernés, cette mise en suspens ne représente pas un obstacle important.

Par contre, le Ministère ne prévoit pas de grandes difficultés pour le sud-est de l'Europe.

Le Gruppenführer SS Hofmann envisage d' envoyer en Hongrie un expert du bureau central des races et de l'implantation pour participer à l'orientation générale, si du côté du chef de la police de sécurité et du SD on s'attaque là-bas à cette affaire. Il fut décidé de détacher provisoirement cet expert du bureau central des races et de l'implantation: il ne doit pas être lui-même actif, mais apparaître officiellement comme assistant auprès de l'attaché de la police.

IV

Au cours de la mise en œuvre des projets pour la solution finale, les lois de Nuremberg doivent en quelque sorte en former le fondement, mais la condition d'une liquidation du problème sans laisser de trace passe également par la résolution des questions relatives aux mariages mixtes et aux Mischling.

Le chef de la police de sécurité et du SD poursuivit la discussion théorique, à partir d'un courrier du chef de la chancellerie du Reich, sur les points suivants;

1.

Traitement des Mischling du 1er degré
Au regard de la solution finale de la question juive, les Mischling du 1er degré sont équivalents aux Juifs.
Font exception à ce traitement:

1.

Les Mischling du 1er degré mariés à des Allemands de sang et ayant des enfants (Mischling du 2e degré) issus de ce mariage. Ces Mischling du 2e degré sont pour I'essentiel égaux aux Allemands.

2.

Les Mischling du 1er degré auxquels les plus hautes instances du parti et de I'État ont jusqu'alors conféré une situation d'exception dans tous les domaines.
Chaque cas particulier doit être contrôlé, et il n'est pas exclu que la décision soit défavorable, même pour ces Mischling.
Les conditions pour que I'exception soit accordée doivent toujours relever des mérites fondamentaux du Mischling en question (et non des mérites des parents ou du conjoint allemands de sang).
Tout Mischling du 1er degré bénéficiant de I'exception en matière d'évacuation devra être stérilisé, pour empêcher toute descendance, et éliminer définitivement le problème du métissage. Il sera procédé à la stérilisation sur la base du volontariat. Mais le maintien sur le territoire du Reich est soumis à cette condition. Le Mischling stérilisé sera par la suite libéré de toutes les dispositions restrictives auxquelles il était soumis jusqu'alors.

2.

Traitement des Mischling du 2e degré
Les Mischling du 2e degré sont fondamentalement apparentés aux Allemands de sang, à I'exception des cas suivants, pour lesquels les Mischling du 2e degré sont placés sur un plan d' égalité avec les Juifs:

1.

Mischling du 2e degré issu d'une union bâtarde (couple de Mischling).

2.

Apparence raciale particulièrement désavantageuse pour le Mischling du 2e degré, le plaçant par son aspect extérieur du côté des Juifs.


3.

Rapports policiers ou politiques particulièrement mauvais à propos du Mischling du 2e degré, faisant paraître qu'il se ressent et se comporte comme un Juif.
Mais il ne sera pas fait exception, même dans de tels cas, si le Mischling du 2e degré est marié avec un Allemand de sang.


3.

Mariages entre Juifs et Allemands de sang
Il faut décider au cas par cas si le conjoint juif doit être évacué ou bien s'il est transféré vers un ghetto de vieillards, en considération des conséquences d'une teIle mesure sur la parenté allemande de ce couple mixte.


4.

Mariages entre Mischling du 1er degré et Allemands de sang

1.

Sans enfant:
Si aucun enfant n'est issu du mariage, le Mischling du 1er degré sera évacué, éventuellement transféré dans un ghetto de vieillards (même traitement que pour les mariages entre Juifs et Allemands de sang, au point 3).

2.

Avec enfants:
Si des enfants (eux-mêmes Mischling du 2e degré) sont issus du mariage, et s'ils sont placés sur un plan d'égalité avec les Juifs, ils seront évacués avec le Mischling du 1er degré, ou transférés dans un ghetto. Dans la mesure où ces enfants sont au même plan que les Allemands (cas normaux), ils bénéficient de l' exception à l'évacuation, de même que leur parent Mischling de 1er degré.


5.

Mariages entre deux Mischling du 1er degré ou entre Mischling du 1er degré et Juif. Dans le cas de ces mariages, chaque membre (y compris les enfants) est traité comme Juif et donc évacué, voire transféré dans un ghetto de vieillards.


6.


Mariages entre Mischling du 1er degré et Mischling du 2e degré. Sans considération de l'existence ou non d'enfants, les deux conjoints seront évacués ou transférés dans un ghetto de vieillards, dans la mesure ou d'éventuels enfants présentent sur le plan racial, en règle générale, de plus fortes traces de sang juif que les Mischling Juifs du 2e degré.

Le Gruppenführer SS Hofmann exprima l'avis qu'il fallait user largement de la stérilisation, d'autant plus que le Mischling, placé devant le choix entre évacuation et stérilisation, se soumettra plutôt à la stérilisation. Le secrétaire d'État, Dr. Stuckart, fit le constat que la mise en œuvre des solutions qui viennent d'être exprimées pour la liquidation des questions relatives aux mariages mixtes et aux Mischling entraînerait, dans les formes prévues, une immense quantité de tâches administratives. Pour tenir compte des données biologiques présentes dans tous les cas, le secrétaire d'État, Dr Stuckart, proposa en outre d'adopter la stérilisation obligatoire.

Pour simplifier le problème des mariages mixtes, il faudrait réfléchirà des dispositions par lesquelles le législateur dirait:« ces mariages sont dissous. »

Sur la question des conséquences de l'évacuation des Juifs sur la vie économique, le secrétaire d'État Neumann expliqua que les Juifs employés dans les entreprises indispensables en temps de guerre ne pourraient pas être évacués tant qu'ils ne seraient pas remplacés.

L'Obergruppenführer SS Heydrich indiqua que ces Juifs ne seraient pas évacués dans le cadre des directives qu'il avait approuvées pour l'exécution des actions d'évacuation actuellement en cours.

Le secrétaire d'État, Dr Bühler, remarqua qu'on saluerait, au Gouvernement général le fait de commencer la solution finale dans le Gouvernement général, car le problème du transport n'y ajouterait pas de difficulté supplémentaire, et que des raisons de mobilisation pour le travail ne viendraient pas y entraver le déroulement de l'action. Il faudrait éloigner aussi vite que possible les Juifs des territoires du Gouvernement général, car le Juif, porteur d'épidémie, y représentait un danger particulièrement éminent, et apportait en outre, par ses trafics continus, le désordre dans la structure économique du pays. Sur les 2 millions et demi de Juifs concernés, la majorité étaient par ailleurs inaptes au travail.

Le secrétaire d'État, Dr Bühler, poursuivit en constatant que la solution de la question juive dans le Gouvernement général relevait de la compétence du chef de la police de sécurité et du SD, et que ses efforts devaient être soutenus par les autorités du Gouvernement général. Il n'avait qu'un seul souhait: que la question juive soit réglée sur ce territoire le plus vite possible.

En conclusion, les différentes résolutions furent discutées, et il en ressortit, tant du côté du Gauleiter, Dr Meyer, que de celui du secrétaire d'État, Dr Bühler, qu'on était d'avis qu'il fallait mener immédiatement, dans les territoires en question, certains travaux préparatoires au déroulement de la solution finale, en évitant cependant de provoquer l'inquiétude de la population.

En mettant un terme à la réunion, le chef de la police de sécurité et du SD demanda aux participants de lui accorder tout leur soutien dans l'exécution des tâches décidées.